Quand Samedi arrive, je suis à fleur de peau, je m'énerve sur tout et n'importe quoi. J'ai bien trop conscience de ce que signifie aller à Margate et le dilemme est une vraie torture.
Hier, j'ai rendu visite à Maggie, mon amie d'enfance pour lui parler d'Alfie, même si je ne lui ai pas tout à fait dit que c'était lui, pour elle il s'appelle Cyril et travaille comme croque mort - c'est la première chose qui m'est venue à l'esprit, va savoir pourquoi - mais nous étions constamment dérangées par ses enfants donc je n'ai jamais vraiment eu son avis sur la question.
J'accroche sur un cintre le manteau que je viens de finir de nettoyer et me prends la tête dans les mains. Peu importe ce que Maggie aurait dit, il y a une chose dont je ne peux pas discuter avec elle, c'est Ollie. Pendant un moment, j'ai pu me convaincre qu'Alfie ne se vengerait pas sur mon cousin si je lui refusais quoi que ce soit, mais je ne peux pas en être sûr, n'est-ce pas? J'aurais dû dire quelque chose. Protéger mon cousin était la principale raison pour laquelle j'ai accepté de voir Alfie au début, j'aurais dû imposer qu'Ollie ne soit jamais impliqué.
En fait, j'ai encore mon mot à dire la dessus! J'attrape mon manteau et mes gants et sorts, galvanisée par l'idée de ne pas être la damoiselle en détresse. J'atteins Bonnie Street à la tombée de la nuit, je me rends compte en marchant sur le trottoir que je n'ai aucune idée où se trouve précisément la boulangerie d'Alfie et je sens mon courage se dégonfler.
«Ça n'est pas prudent de te promener dans les parages à la tombée de la nuit, Shefele.»
Je sursaute et me retourne. Alfie fait le tour de sa voiture pour me rejoindre - je ne peux pas voir ses yeux sous son satané chapeau! Ça m'agace de ne pas pouvoir lire sa réaction, ma colère revient et fait sortir des mots dans ma bouche.
«Je n'ai pas peur du noir. Ni des loups d'ailleurs », j'ajoute puisqu'il insiste pour m'appeler son agneau.
«Des loups, hein? Les loups c'est juste des chiens avec un sale caractère, pas vrai? Tu aimes les chiens?»
La question me prend au dépourvu, je hoche la tête comme un idiote.
«Bien», dit-il. «Bien. Tu voulais quelque chose, Shefele? Parce que tu ne devrais vraiment pas venir ici. Je préfèrerais que tu passes par Ollie la prochaine fois, hein?»
Le nom de mon cousin me rappelle pourquoi je suis venu ici en premier lieu.
«Vous ne pouvez pas lui faire de mal,» je lâche.
Alfie lève la tête et j'aperçois son regard à la lueur des phares. Était-ce de la surprise ou de l'amusement?
«Je n'ai pas l'intention de le faire», dit-il, «Sauf s'il le mérite. C'est un bon gars mais il n'aura pas de traitement de faveur grâce à toi. »
Je le regarde, dubitative.
«Ne t'inquiète pas,» ajoute-t-il et je jurerais voir un sourire derrière sa barbe.
Je me sens flouée. Mais soulagée et peut-être un peu amusée aussi.
*
Le vent est glacial sur la plage de Margate, le grondement des vagues intimidant. Cela fait si longtemps que je ne suis pas allé sur la côte. Avant la guerre, mon chéri m'avait emmené à Brighton... Comme papa, il n'est jamais revenu de France... J'ai l'impression que c'était dans une autre vie. Je frissonne. Alfie s'arrête, le dos tourné à la mer, il pointe du doigt les maisons qui surplombent la plage.
«Je pense en acheter une, tu vois», dit-il.
Je le regarde, étonnée. Il semble perdu dans ses pensées, je me demande s'il essaie de déterminer laquelle offre la meilleure vue ou combien il doit acheter pour en tirer des bénéfices.
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Shefele, petit agneau
FanfictionMaintenant un roman disponible en e-book et papier sur Amazon sous le titre RENDEZ-VOUS À BRIGHTON ! https://www.amazon.fr/Rendez-vous-%C3%A0-Brighton-Elodie-Bonneville/dp/B09KN7X3T8/ Quand mon cousin Ollie s'est enrôlé dans la boulangerie d'Alfie...