10. Menaces...

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«Cassez-vous», dit Alfie avec une autorité froide. "Dehors ! »

A la façon dont il me regarde, je comprends que je ne suis pas concernée par l'ordre. J'aurais été incapable de bouger de toute façon, mon corps est tendu comme un arc. Les hommes d'Alfie sortent, nous laissant tous les trois. James, toujours attaché à sa chaise - je n'ai pas vu son visage mais je peux imaginer son effroi - Alfie, qui le tient encore en joue, et moi agrippée à Alfie. Dans le silence qui plane sur nous, mon cœur martelle comme un tambour.

Alfie baisse le bras, je laisse échapper un sanglot et me pends à son cou. Sa main libre glisse sur ma taille pour se poser sur le creux de mon dos, sans y exercer de pression.

Quand j'arrive à reprendre mon souffle, à calmer mes pleurs, je lève les yeux et regarde le visage d'Alfie. Son impassibilité est glaçante. Un frisson descend le long de mon échine. Je regarde en arrière, hoquette à la vue du visage meurtri de James, sans pour autant parvenir à me sentir désolée pour lui. Ses yeux vont de moi à Alfie, exorbités et fiévreux. Il a probablement compris qu'Alfie était mon mari, je me demande comment cela affectera notre avenir et surtout celui de Sarah.

Je me tourne vers Alfie. Nous avons des choses à discuter ensemble avant de prendre une quelconque décision et je préfère que nous le fassions avant que Sarah ne rentre à la maison. Alfie aussi. Il m'entraîne dehors sans un mot, s'arrête devant ses trois sbires.

«S'il n'est plus assis là quand je reviens, vous en serez vraiment désolé. »

Sa voix fait se dresser les poils sur ma nuque. Il me pousse déjà vers la voiture, avec une douceur qui semble complètement déplacée. 

«Attends,» dis-je, «On ne peut pas le laisser attaché à cette chaise. »

Alfie pince ses lèvres qui disparaissent sous sa moustache. Je peux dire que ça lui coûte mais il donne l'ordre de détacher James.

Le retour à la maison se fait dans un silence inconfortable. Je pose timidement ma main sur le genoux d'Alfie. Il ne réagit pas, il ne me repousse pas non plus. Je nous serre un verre dès que nous arrivons pendant qu'il s'assoit dans son fauteuil près de la fenêtre. J'attends qu'il ait fini de boire avant de lui donner la lettre. Pendant qu'il lit, je porte mon propre verre à mes lèvres, la gorge trop serrée pour avaler plus de quelques millilitres à la fois. Je crois que je vais être malade.

Quand il a terminé, il me regarde droit dans les yeux. Je me mords la lèvre, m'assois sur l'accoudoir et prends sa main dans la mienne. Il m'attire sur ses genoux et me serre contre lui. Comme si la pression de ses bras autour de moi était une sorte de signal pour mon corps que la tempête est finie, il se relâche et laisse aller un flot de larmes.

«On ne peut pas perdre Sarah», je sanglote.

«Ça n'arrivera pas, Shefele. Je te le promets. »

Lorsque je rouvre les yeux, il fait nuit. Je suis allongé sur le canapé, le feu crépite dans la cheminée devant moi. La culpabilité me serre la gorge, comment ais-je pu m'endormir dans une situation pareille ?

Mon premier réflexe est d'aller voir Sarah dans sa chambre. Elle dort paisiblement dans ses draps rose, M. Barky serré dans ses bras. Je m'assois sur le bord du lit, caresse ses cheveux, écoute le son de sa respiration. Jamais je ne pourrais me passer d'elle. Je trouve Alfie qui me regarde à la porte, il a l'air fatigué, inquiet.

«J'ai dit à Sarah que tu étais malade et que tu avais besoin de repos», dit Alfie alors que nous nous dirigeons vers le salon.

Il fait une pause, me regarde.

«Je suis désolé que tu aies dû voir…»

Je prends sa main et la serre. Je pourrais me mentir et prétendre que cela change tout, qu'il n'est pas l'homme que je connais, l'homme que j'ai épousé, mais je savais depuis le début ce qu'il était et cela ne m'a pas empêché de l'aimer. Maintenant que le choc est passé, ce n'est pas pire que la nuit où il m'avait arraché ma robe parce que la couleur ne lui plaisait pas. Si sa violence devait me faire peur, je ne serais pas ici, si?

Shefele, petit agneauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant