Le Geek Ultime (1. Genesis)

Paris - 8

      Il est huit heure du matin quand j'arrive sur le tarmac d'Orly. Sophie m'a finalement contacté très tard dans la soirée. Je somnolais devant un épisode de Stranger Things quand mon téléphone a sonné. J'ai fait comme si de rien n'était même si c'était compliqué de retenir mes bâillements. Je l'entendais déjà me reprocher mon manque d'implication. Je n'allais pas lui donné la satisfaction d'avoir un argument de plus contre moi.

On peut dire qu'elle ne fait pas les choses à moitié. Sophie m'a envoyé une voiture avec chauffeur. Dire que je n'ai jamais eu les moyens de me payer un taxi et aujourd'hui une Mercedes classe E m'attendait en bas de chez moi avec un conducteur qui était mieux habillé que je ne le serais jamais.

Sophie m'attend au pied d'un petit appareil, une version miniature d'un avion de ligne avec seulement six hublots sur le côté. Cet engin relègue mon trajet en Mercedes à une ballade en barque dans les égouts de Paris. Cette splendeur c'est de la truffe fourrée au caviar accompagné de Dom Pérignon. Rien que le fait de pouvoir contempler cet avion me fait sentir important. J'ai l'impression d'être une rock star en tournée... ou le Pape. Avec les reflets du soleil levant donnant une teinte orangé aux vitres et à la carlingue, cet appareil est une des plus belles choses que j'ai vue et ce bijou va m'emmener à l'autre bout du monde.

- Vous êtes prêt à embarquer ?

- Dans ce jet privé ? Vraiment ?

Je commence à me rendre compte de la fortune de la famille de Sophie. Elle est bien au-delà de ce que je pouvais m'imaginer.

- Il n'est pas à moi. Je n'aurais pas les moyens de me payer ce genre... d'extra. N'allez pas imaginer que je sois milliardaire. Mes parents sont riches, moi je vis bien avec ce que je gagne. Attention, Je ne suis pas ce genre de fille à papa qui a des caprices hors de prix. N'allez pas me comparer à tous ces gosses de riches profiteurs et arrogants. Je les ai suffisamment côtoyés dans ma jeunesse pour les détester. Par contre, j'avoue que concernant cet avion, c'est mon père qui me le prête, uniquement dans le but de retrouver Jack.

- Le truc le plus cher qu'on m'ait jamais prêté, c'est un DVD. Tu veux dire quoi par « mes parents sont riches » ?

- Disons qu'ils peuvent s'acheter tout ce qu'ils veulent : une voiture de luxe, un château, une île... Je sais que si, un jour, je suis vraiment dans la merde, ils pourraient m'aider financièrement. Ils ont fait le choix de nous laisser nous débrouiller par nos propres moyens mon frère et moi. Ils voulaient que nous nous forgions une vraie expérience de vie, pas un simulacre ne nécessitant aucun effort. C'est pour ça que j'ai un travail. Vous savez, c'est encore plus dur pour des personnes habituées pendant l'enfance à un certain standing.

Je ne vais pas la plaindre. Ma jeunesse a été beaucoup moins dorée que la sienne. Malgré ce qu'elle me dit, je pense qu'il est plus simple d'avoir une bonne situation quand les meilleures universités ont été payées par papa.

En haut des marches, le pilote et une hôtesse, en uniforme, me saluent et m'invitent à m'installer. L'intérieur de l'habitacle est cent fois, que dis-je, mille fois plus beau que n'importe quels lieux que j'ai pu fréquenter. Ça ne ressemble en rien à l'image que je me fais d'un avion. Je suis dans un salon tout confort avec canapés en cuir et meubles en bois précieux. Je n'ose rien toucher. Je suis certain que le président des Etats-Unis est moins bien installé dans Air Force One.

Sophie observe mes réactions et cela semble l'amuser. D'un coup, elle met plus d'intensité à me fixer, ça en devient gênant.

- Vous avez coupé vos cheveux ?

J'avais profité de l'après-midi pour me rafraichir un peu avant de la revoir. Je suis un peu honteux qu'elle pense que je l'ai fait pour elle.

- Oui, je...

- Et vous avez mis une chemise ?

Deuxième moment génant.

- Oui bon, on peut y aller.

Le jet décolle et j'admire la France vue du ciel. Mes oreilles se bouchent, la sensation est désagréable, je reste tout de même émerveillé par ce que je vois à travers le hublot. Nous survolons les nuages, je mets, pour la première fois de ma vie, mes pas dans ceux des oiseaux et c'est fantastique. L'Homme est capable de créer des appareils capables de défier les lois de la physique. L'avion, qu'il a inventé, dit à la gravité d'aller se faire foutre.

L'Atlantique nous offre un spectacle défiant tout ce que j'ai pu voir de plus beau dans ma vie de geek ; tous les films de Spielberg, la parade des stormtroopers à Disneyland Paris ou encore les seins de cette fille habillée en Lara Croft à la Japan Expo il y a trois ans. Je ne suis pas fier de ne pas avoir été plus réceptif à la beauté de la nature auparavant. Je me promets d'y faire plus attention dorénavant. Nous survolons ce vaste océan vers l'ouest. A notre vitesse actuelle nous pouvons ainsi profiter du lever de soleil pendant plusieurs heures. Pour une première sortie hors de l'hexagone, je ne fais pas les choses à moitié, je vais traverser un quart de l'hémisphère nord. Nous nous dirigeons en direction d'Albuquerque, le début de notre aventure. Je me demande jusqu'où ça va me mener.