Le Geek Ultime (1. Genesis)

Ile de Pâques - 1

      Notre avion survole l'océan pacifique depuis des heures. Nous avons fait escale à Hawaï pour faire le plein de kérosène, pas le temps de visiter. Nous sommes sur les traces d'Indy, la piste est encore chaude. Nous n'avons pas de temps à perdre. Sophie est tellement excitée à l'idée de retrouver son frère. Je reste méfiant. Il est aux mains de notre ancien ami qui nous a prouvé que sa motivation pouvait être dangereuse pour nos vies.

Cette histoire prend une tournure qui ne m'enchante plus. La fête est finie. Après avoir vécu sur un petit nuage l'aventure dont j'ai toujours rêvé, ça y est j'ai vraiment l'impression d'avoir avalé la pilule rouge et de découvrir une réalité terrifiante comme Néo dans Matrix. J'aime cette femme. Suis-je prêt à risquer ma vie pour elle ? Ma vie d'avant ne me convenait pas mais elle ne comportait que des risques mineurs. Au pire, je perdais mon job. Dans l'incapacité de payer mon loyer, je finissais à la rue. Et finalement, une maraude me trouvait un matin gisant dans une flaque de pisse sur un trottoir, mort d'une pneumonie foudroyante à moitié bouffé par un chien errant. J'abuse un peu mais je pensais au pire. La vie est dangereuse à partir du moment où on la vit. Je peux mourir en glissant dans ma douche, seul dans mon appart de geek. Ça serait pire que de mourir en aidant la personne que l'on aime. Si cela devait arriver, j'aurais la satisfaction de me dire que ma mort n'aura pas été inutile. Je préfère avoir une vie courte et riche que de me morfondre éternellement dans l'ennui de mon quotidien. Après réflexion, je suis terrorisé par ce qui peut encore nous arrivé mais je suis décidé à suivre cette femme dans les flammes de l'enfer.

D'après le plan de vol, nous ne devrions pas tarder à apercevoir l'Île de Pâques, terre perdue au milieu de nulle part. Tellement éloigné de tout qu'on se demande comment une civilisation a pu s'y installer. A la force du vent et des rames, dans des embarcations faites de bois, de cordes et de toile, des hommes courageux ont entrepris de traverser le grand océan. Il fallait être sacrément chanceux pour découvrir une terre aussi minuscule dans une étendu aussi vaste.

Tak m'a envoyé la photo de la statue Moaï déterrée. J'ai beau les regarder dans tous les sens. Je ne vois pas d'indice dans les dessins qui sont gravés dessus. Un cercle au dessus d'une ligne courbe surplombant un « Y » et des oiseaux. Je n'y vois que la tenue traditionnelle Rapa Nui. Le « Y » est la ficelle du string en corde qui leur rentre dans les fesses. La grande ligne courbe représente surement la ceinture. Le cercle est le nœud qui tient le tout et les oiseaux sont probablement des tatouages que l'on pouvait voir sur le corps des autochtones qui les ont placés là pour l'éternité. Rien de mystérieux.

- Tak pense qu'il y a un message caché. J'ai besoin d'avoir ton avis.

- Tu crois que l'on va retrouver Jack ?

Tout ce que je sais c'est que l'équipe de Takeshi l'a repéré dans l'aéroport d'Honolulu en piratant les caméras de surveillance. Il y a de grandes chances que nous allions tous au même endroit. Robert/Indy va avoir besoin de lui pour trouver l'entrée de la prochaine cité. Il se sert de lui comme il l'a fait avec nous. Sophie attend une réponse. Vu son état de nervosité, je me dois de la rassurer.

- Tu vas bientôt le revoir. Nous allons le rejoindre à la cité de Te Pito O Te Henua.

- Te pito quoi ?

- Te Pito O Te Henua est un autre nom pour l'île de Pâques. J'ai trouvé ça beau à prononcer. Du coup, je l'ai choisi pour désigner cette cité perdue. Ça signifie le nombril du monde.

- C'est poétique. J'adhère. Va pour Te Pito... Tuti... Hanyui...

- Te Pito O Te Henua.

- Je ne vais pas tout retenir. On n'a qu'à l'appeler Pito tout simplement.

- C'est ce que je me suis dit mais en espagnol ça peut aussi se traduire par pénis.

Sophie rougit.

- Ah ! ...En même temps, si on considère que la civilisation qui a laissé cet endroit est à l'origine de notre civilisation moderne. Elle est un petit peu comme notre père, même si je préfère penser que la femme soit la source de la vie. C'est parti pour Pito.

Notre avion entame son atterrissage vers l'aéroport de Hanga Roa, la capitale de ce lieu prodigieux. Par le hublot, je peux voir le volcan Rano Raraku qui nous intéresse. Il n'est plus en activité depuis des millénaires et un lac occupe son cratère. Il est entouré de statues Moaï. Celle dont Takeshi m'a envoyé le cliché est l'une d'elle.

- Oh merde ! Vite ! Viens voir Sophie ! Regarde près de la colline, entre le volcan et la côte, il y a un hélicoptère et à côté...

- JACK !

Sophie hurle son prénom comme si il pouvait nous entendre. Elle finit par se calmer mais je sens son impatience. Ce qui m'inquiète le plus c'est que je n'ai pas vu Indy. Aurait-il déjà trouvé l'entrée ? Peu importe, l'important est de sauver le frère de Sophie.