Chapitre 10

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Je passe mes mains sur le visage avant d'ouvrir les yeux et de sortir ma tête hors de l'eau. Mes vêtements trempés collent à ma peau et c'est loin d'être agréable. Mais bon, c'est mieux que rien.

Je sursaute lorsque je lève les yeux et que j'aperçois l'homme aux yeux verts juste devant moi, les bras croisés.

Il secoue la tête, en soupirant. J'ai beau ne pas voir son visage avec ce satané masque, je sais qu'il doit néanmoins afficher un air désapprobateur. Pourtant, je ne vois pas ce que j'ai fait de mal.

Il s'accroupit près de moi. Mon cœur commence à s'emballer, mais pas positivement. Enfin, je pense. Pourquoi serait-ce autrement ? Ses yeux d'un vert habituellement assez clair se sont assombris.

Nos regards se retrouvent et ne se quittent plus, comme inéluctablement attirés l'un vers l'autre. Il se penche vers moi. Son visage se rapproche dangereusement du mien. Mon souffle se coupe. Malgré le magnétisme puissant qu'il dégage, je trouve assez de force pour me reculer légèrement.

Il tend la main derrière-moi et je me raidis. À quoi joue-t-il ? Il reste comme ça pendant quelques secondes, presque immobile. Enfin, il ramène devant lui un flacon – sûrement du shampooing – qui semble un peu petit pour sa grande main.

–Laisse-moi t'en mettre.

Il détache son regard du mien pour verser du produit dans la paume de sa main gauche. Je le regarde faire, incrédule.

J'aimerais lui dire que je suis capable de le faire moi-même. D'habitude, je l'aurais fait. Je suis une grande fille qui possède un fort caractère. Mais là, face à cette situation qui me dépasse totalement, je semble avoir perdu le contrôle de mes faits et gestes. J'ai l'impression d'être déconnectée de la réalité. De flotter dans mon propre corps. D'être comme dans un rêve. Ou plutôt un cauchemar, dans ce cas-ci. Je dois sûrement traverser une phase de dépersonnalisation qui me permet de ne pas complètement sombrer dans la panique et la folie. J'ai lu assez de bouquins et vu assez de films pour savoir que c'est courant chez les victimes de séquestration. Mais bon, c'est peut-être un mauvais cauchemar aussi, duquel je vais bientôt me réveiller, saine et sauve, dans mon lit douillet. Je dois juste attendre. Ça sera bientôt fini. Ça doit l'être.

Je reviens – plus ou moins – à la réalité lorsque je sens le bout de ses doigts masser mon crâne plein de shampoing. Bien qu'il me soit difficile de l'admettre, cela me fait un bien fou. Je ferme les yeux et profite de ce moment de quasi bien-être. Ce fut bref, car il annonce déjà:

–Allez princesse, il est temps de rincer tout ça.

Je réouvre les yeux. Le ton de sa voix a changé et je suis soudainement prise de panique. Je n'ai absolument pas le temps de réagir qu'il attrape une poignée de mes cheveux et me tire la tête vers le bas, jusqu'à ce que celle-ci soit entièrement immergée sous l'eau. Tout y est noir. La pièce sombre n'aide en rien. Je ferme les yeux, afin d'éviter que trop de savon ne les attaque et je me débats du mieux que je peux. Je dois remonter à la surface. La pression qu'il exerce sur mes cheveux me fait mal. Mes yeux me brulent. L'air me manque. Mon angoisse principale revient. La peur de l'eau... C'est pour ça que je ne prends quasi jamais de bain. Ou alors avec très peu d'eau. J'essaye de retenir ma respiration, malheureusement je n'ai jamais été très douée pour ça. De l'eau s'infiltre dans mon nez, brûle mes cloisons nasales et se fraie un chemin du long de ma trachée jusqu'à l'intérieur de mes poumons. Je dois absolument arrêter d'essayer de respirer. Une quinte de toux me surprend sous l'eau, ce qui me pousse encore plus à essayer de respirer. J'agrippe ses avants-bras que je griffe de toutes mes forces. Je pousse mes jambes, dans une vaine tentative de le bousculer. Lorsque je commence à sentir ma conscience m'échapper, il tire mes cheveux vers le haut et sort ma tête de l'eau. Je prends une énorme respiration en crachotant et en ouvrant les yeux, juste avant qu'il ne me repousse vers le bas. Je hurle. Je hurle sous l'eau, ce qui provoque une montée de petites bulles qui viennent mourir à la surface. Le savon brûle mes rétines. Malgré moi, mon nez prend une grande inspiration. Je m'étouffe avec l'eau qui s'infiltre en moi. De l'air. Il me faut de l'air. Un étau semble s'emparer de ma tête.

Initiation [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant