La première chose que je perçois lorsque je reviens à moi, c'est le bruit provenant de mon mal de tête qui pulse à un rythme régulier.
Je suis allongée sur le côté, sur quelque chose de mou, visiblement. C'est si confortable que je suis presque tentée de me rendormir.
Quelques voix lointaines parviennent à mes oreilles tandis que j'émerge doucement. Je parviens à détecter quelques bribes de la conversation.
–On va faire quoi maintenant ?
–Je sais pas putain ! C'était pas dans le plan ça, t'as vraiment merdé, Dan !
–Mais les mecs, c'est pas ma faute, c'est Max qui m'a dit que c'était bon...
–Je t'ai pas dit ça ducon !
–Si ! Tu m'as dit de lui donner les habits et que t'arrivais, rien de plus.
–T'étais censé attendre que je revienne espèce d'imbécile !
Les voix s'éloignent à présent. J'ouvre doucement mes yeux, afin de leur laisser le temps de s'habituer à la luminosité. Je roule sur le dos et découvre ce qui orne le plafond, avec émerveillement. Il s'agit d'un grand dôme transparent, laissant apercevoir le ciel nuageux. On se sentirait presque happé par sa beauté. Je regarde les nuages défiler au gré du vent. Je rêverais de pouvoir m'envoler vers eux afin de me laisser porter par leur douceur cotonneuse. Cela fait si longtemps que je n'ai pas observé la nature...
Je m'assieds tout en regardant autour de moi. Les murs et le plafond sont gris, comme dans le couloir. Je repose sur un canapé noir, disposé au milieu de la pièce. À part celui-ci, il n'y a rien. S'il s'agit de ma nouvelle cellule, je vais m'en contenter. C'est déjà mieux que l'espèce de cave.
Je remarque qu'une personne se tient dans l'encadrement. Il porte son sempiternel masque très flippant. À quoi bon ? Ne savent-ils pas que je les ai reconnu ? Pensent-ils que cela m'a encore échappé ?
Vu sa carrure et sa taille, je pencherais pour Max. Je me raidis, ne sachant pas à quoi m'attendre.
Il commence à avancer dans ma direction et, en deux pas, il se tient déjà devant moi. Ses beaux yeux verts me permettent d'avoir immédiatement la confirmation de son identité.
Il me surplombe de sa grandeur dépassant probablement le mètre quatre-vingt. Il me détaille. Me fixe. Malgré moi, ma respiration s'accélère, comme à chaque fois qu'il s'approche trop près de moi. L'air me manque, comme s'il en aspirait trop, me laissant avec les miettes. Je serais presque prête à venir lui reprendre, en posant ma bouche sur la sienne.
Il écarte mes jambes de son genou gauche et s'avance d'autant plus. Ensuite, il s'accroupit. Lentement. Sans me quitter du regard. Je me demande ce qu'il veut. À quoi il joue.
Il continue à sonder mes yeux. Il pose ses doigts sur ma cuisse gauche, nue, et les fait remonter sous le début de ma jupe. Cela me provoque involontairement une nuée de frissons. Et puis, il la serre de sa grande main. Pas trop fort. Pas trop faiblement. J'ai un hoquet de surprise, et mes yeux s'ouvrent tout ronds. J'hésite entre le repousser et l'attirer a moi pour réduire l'espace qui nous sépare douloureusement.
À ce moment précis, je bouillonne. Il fait une chaleur insoutenable. Je mords l'intérieur de ma lèvre, ne sachant que faire. Je déglutis difficilement.
Et puis, comme si de rien n'était, il retire sa main, dépose une pochette plastique à côté de moi, se relève et repart en refermant la porte à clé, sans m'adresser un seul regard.
Choquée par sa conduite, je fixe la porte quelques instants, me remémorant ce qui vient de se passer. Il m'attire toujours autant qu'il m'effraie et je déteste cette sensation. Pourquoi ne suis-je donc pas capable de l'envoyer bouler ?
Oui, le gars a essayé de te noyer plus tôt dans la journée et toi tu rêves de fricoter avec ? Cinglée. Pour une fois, je suis bien d'accord. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi bon sang !
Je tripote la pochette de mes mains, nerveusement, avant de me rappeler qu'il me l'a donnée avant de s'en aller. Je croise mes jambes en indien et déverse son contenu sur le divan. Elle contient une multitude de photos. Je reconnais immédiatement toutes les personnes présentes dessus. Il y a mes parents. Lydia. Doug. D'autres membres de ma famille. Ils ont l'air tous... heureux. Très heureux. Cela ne peut pas avoir été pris récemment. Pas alors que j'ai disparu. Ils n'ont pas pu croire cette lettre débile.
Je les retourne une à une. Sur chaque, la date au dos indique qu'elles ont été prises fin septembre, donc après ma disparition. Fin septembre... Plus d'une semaine s'est déjà écoulée ! D'un côté, j'ai l'impression que cela fait des mois que je suis ici, de l'autre, une semaine c'est déjà bien trop...
Au milieu de ces images trône un bout de papier blanc sur lequel est inscrit:
« Tu vois, tout le monde est mieux sans toi. Tu ne manques à personne et personne ne viendra te chercher.
Tu n'as plus que nous maintenant. »Ma vue se brouille. Une larme m'échappe et vient s'échouer sur une des photos. Celle où on voit Doug, enlaçant Lydia, dans une rue près du campus. Une douleur lancinante s'empare de mon cœur meurtri.
Je m'affaisse contre le dossier en relisant la note manuscrite. Ils n'ont pas tord. Ils ont l'air si bien. Qu'est-ce qui m'attend dehors ? Au fond, je sais que jamais je n'ai été soutenue par personne. Je n'ai jamais été heureuse. Trop bizarre pour avoir des amis. Trop étrange pour avoir des parents aimants. Trop... curieuse pour me contenter d'un seul et même métier toute ma vie. Et là, voir qu'en plus je ne manque à personne... Ça fait mal. On dirait qu'ils ont enfin réussi à se débarrasser du vilain petit canard.
De toute façon, j'ai toujours su que rien dans ma vie future ne se déroulerait normalement. Je savais que quelque chose allait m'empêcher d'avancer. Et, soyons honnête, je n'avais et n'ai toujours aucunement envie d'aller de l'avant et de grandir... Bonjour le syndrome de Peter Pan.
La seule chose que j'espère, c'est de sortir vivante d'ici. À part leur côté un peu barjo, ils ne m'ont pas l'air d'être des tueurs. Et puis, je ne me souviens pas avoir entendu parler d'affaires louches dans la région. Enfin, ça ne veut rien dire. Surtout s'ils font rédiger des lettres pareilles à toutes, en supposant que je ne suis pas la première.
J'ai toujours l'espoir que, comme je les ai côtoyé avant qu'ils ne m'enlèvent, et qu'en plus je les ai reconnu, ça se passe mieux que ce qu'ils n'avaient prévu. Je pourrais peut-être jouer sur cet axe-là. Les appeler par leur prénom. Essayer de toucher leur... sensibilité (s'ils en ont une). C'est à réfléchir, car peut-être pensent-ils que je ne me rappelle toujours de rien. L'issue reste la même: j'ai vu leur visage. Et ça, dans les films, ce n'est jamais bon signe.
Je n'en reviens pas que ça soit eux qui sont derrière tout ça... Pourquoi moi ? Et dans quel but ?
Je regarde une dernière fois les photos. J'observe ma famille. Le principal, c'est qu'ils soient heureux. Avec ou sans moi, peu importe.
Je les ramasse et les glisse dans la pochette. Ensuite, je m'allonge en regardant à travers le dôme les nuages défiler. Ça permet de m'apaiser. La nature a toujours eu cet effet-là sur moi.
Très vite, le ciel s'assombrit. La nuit tombe. La lumière s'en va, emportant avec elle tout espoir que j'avais concernant l'aide qu'aurait pu m'apporter Doug ou même mes parents. Je ne peux plus que compter sui moi.
Je replie mes genoux contre moi, commençant à avoir froid. Ils auraient au moins pu me laisser une couverture... Ma peur du noir refaisant surface, je me tourne vers le dossier du canapé et me colle le plus près possible de lui. Je ferme les yeux et me projette à mille lieux d'ici. Là où je suis en sécurité. Là où je suis bien. Là où personne ne peut plus me faire de mal. Là où je peux enfin être heureuse...
VOUS LISEZ
Initiation [terminée]
HorrorChaque année à l'Université de Campbell, un rituel sombre et mystérieux se déroule. Lors de la soirée de la rentrée, en septembre, un groupe d'individus sélectionne celle qui deviendra leur proie tout au long de l'année. Ce rituel s'appelle l'Initia...