Chapitre 14 : Le silence des chats

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Dans son lit à barreaux, une petite fille essayait de s'échapper avec ferveur. Son cerveau était en ébullition en établissant diverses stratégies possibles pour se libérer de sa prison de bois. Soudain, en équilibre, à califourchon sur le bord du lit, elle se figea. La porte de la chambre s'ouvrit lentement et laissa apparaître...Ernest, le chat. La petite fille reprit son souffle puis se laissa glisser le long des barreaux. Elle était trop vieille pour cela !

Une fois libre, elle prit de nouveau une grande inspiration. Elle regarda ensuite par la fenêtre ouverte et eut une idée. Elle se dirigea vivement vers la porte, qui s'était refermé brusquement derrière Ernest à cause du vent que provoquait la fenêtre entrebâillée; puis essaya d'atteindre la poignée sur la pointe des pieds, sans succès...Elle croisa alors le regard d'Ernest qui donnait l'illusion de s'inquiéter pour cette enfant mais également de l'empêcher de sortir en se positionnant juste devant la porte. "Ernest je reviendrai, je sais me débrouiller toute seule !"

Elle parvint enfin à se hisser jusqu'à la poignée, en équilibre sur son coffre à jouets, quand elle sortit dans le couloir; la maison était calme, pas un bruit; pas même le chat, qui était extrêmement doué pour se faire discret et se faufiler où bon lui semblait.

Un parfum d'air frais et de liberté se faisait déjà sentir. Elle passa aisément par la trappe du chat dans le fond de la cuisine et se retrouva enfin dehors. Où aller d'abord ? Il y avait tant de possibilités ! Le soleil commençait doucement à se réveiller à cette heure matinale d'été. La fraîcheur et la rosée étaient au rendez-vous.

La fillette entreprit alors un projet fou ! Construire une cabane dans le pommier ! Un instant plus tard la petite fille se retrouva chargée d'outils provenant de l'établi, tout aussi inconnus pour elle, les uns que les autres.

Evidemment, sa mère l'apercevant par la fenêtre de la cuisine, était allé cherché sa fille, qui après avoir pleuré devant ce qu'on lui refusait de faire, s'était finalement laissée prendre dans les bras de sa mère qui l'avait porté jusque dans la maison, ou plus précisément, jusqu'à la chaise en bois de la petite, qui oublia d'ailleurs soudainement toute contrariété devant son petit déjeuner du dimanche.

Elle essaya plusieurs fois, chaque tentative avortée par Papa, Maman, Ernest ou plus tard, par son petit frère.

"Elle ne savait pas le faire toute seule, elle pouvait se blesser, il valait mieux qu'elle laisse faire les grands !" et plus précisément car elle l'avait remarqué : les grands garçons.

Seulement chaque fois, chaque échec augmentait en elle ce désir d'évasion,

désir d'évasion dans un arbre.

A huit ans elle en eut marre; le dimanche matin de son anniversaire, elle s'engouffra dans l'établi quand la lumière s'alluma brusquement. Elle découvrit Ernest...aux pieds de Maman, et de Papa qui tenait le petit frère à moitié endormi dans ses bras. Ils tenaient des outils dans leurs mains ainsi que quelques planches de bois. Ils lui souriaient, et elle...restait bouche-bée.

Ils construisirent la cabane tous les weekends et la modifièrent à nouveau pour que le petit voisin en fauteuil puisse lui aussi aller dans la cabane du pommier. Et à nouveau pour l'hiver.

Les murs intérieurs de la cabane étaient dotés d'étagères remplies de livres et de carnets. Il y avait de l'argile, des pots, des pinceaux, de la peinture, des dés et sans doute un sandwich au fromage frais et ciboulette. S'y trouvaient aussi deux banquettes à motifs fleuries, posées à même le sol, pris dans la vieille caravane, sur lesquelles était posé un plaid en patchwork multicolore fait de laine, que la fille avait tricoté avec sa grand-mère et le petit voisin.

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