Chapitre 12 : L'intermède du quai

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Quand je quitte quelqu'un, que ce soit un ami, un amant, de la famille; je ne peux pas m'empêcher de me retourner pour les regarder partir.

Des fois même, je me donne des p'tits défis, comme par exemple celui de ne pas me retourner, ou de ne me retourner que  quelques secondes, et je compte dans ma tête, comme un toc 1,2,3,4,5 : je ne regarde plus.

Parce que quand je les regarde partir, qu'ils disparaissent, je suis seule; et ces personnes aussi. Cela m'a toujours intriguée enfant, car on ne sait plus ce qui se passe, ce que la personne fait exactement quand nous ne regardons plus. On change de chaine. Que peut-il bien se passer sur les autres?

La chaine 12, les voisins du dessous, avec leurs quatres garçons. Sur la chaine numéro 1, un amoureux. Sur la 6 notre collègue de travail qu'on ne pensait pas comme ça..

Je m'amusais à m'demander :

Que fait cette personne lorsqu'elle est complètement seule ? Comment agit-elle ?

Contrairement aux gens qui s'extasient devant la vie privée de Madonna, je préfèrerai observer celle de gens ordinaires. Et oui avouons-le : également celle de Madonna.

Monsieur ordinaire a-t-il peur d'avouer à sa femme qu'il aime danser le chacha ? Adolescente  ordinaire numéro 2 a-t-elle honte de regarder des dessins animés à son âge ? parce que, quand même, il faut grandir !

D'ailleurs...j'aimerai bien voir les personnes qui décident pour les autres se voir un jour contraintes de faire quelque chose qu'ils ne veulent pas faire, juste pour le plaisir subjectif d'autres gens ! Quand mêm...

- Bon vous allez pas y passer la journée si ?! Me dit une voix derrière la porte.

C'est vrai, je suis aux p'tits coins...j'ai vraiment trop la tête ailleurs.

Je sors des toilettes et vais rejoindre mes amis sur le quai, avec I will survive de Gloria Gaynor dans les oreilles. Un titre plutôt approprié vu la situation actuelle.

Je m'intègre dans le groupe en cercle.

- Bon, dis-je en m'avançant vers Rafael; c'est quoi déjà le nom de ton patelin ?

- Mon patelin... tandis qu'il soupire, on y est pas encore. Il rit, glisse sa main autour de ma taille tout en regardant les autres. Subtil le gars..

Il regarde le panneau d'affichage du quai, me regarde, puis sort une clope et l'allume.

Dans le train je m'endors sereine en regardant le paysage défiler à une vitesse folle devant moi, avec de la musique dans les oreilles, comme  Esmeralda de Ben Howard que j'écoute plusieurs fois d'affilée.

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