Je rentrai en train. Trajet le plus rapide et le moins contraignant. J'avais profité d'un petit déjeuner vitaminé dans la cuisine plus que démodée, quoique "vintage" de ma tante.
Dans sa dynamique qui était celle de ne pas trop changer ses habitudes, elle restait mon repère, mon pilier dans le temps.À mesure que le train laissait défiler ces paysages de maisons en briques ou encore de forêts, je me demandais ce qu'avait été ma vie durant ces 3 ans passées sans voir ma meilleure amie, ma tante. Sans compter Fanny évidemment. J'avais beau me délecter de n'importe quel changement de mon quotidien, ma tante était ce qui soulageait mon penchant de nostalgie.
Mon téléphone sonne et je répond immédiatement.
- Oui mon amour ?
- Tu es où là ?? Me répondit Jared le souffle rapide.
- Dans le train entre chez Pénélope et chez toi ! Pourquoi ?
- Enfin ! Je m'inquiétais voilà pourquoi ! Pourquoi tu ne répondais pas ?
- J'suis désolée je n'ai pas du tout pensé à regarder mon téléphone. Je suis désolée. Je réponds, confuse.
Il est vrai que j'aurai pu le prévenir; être moins égoïste.
- Je descend dans 2 minutes, à tout de suite.
- À tout de suite.En marchant vers l'appartement, je me demandais si Jared n'avait tout de même pas un peu surréagis hier soir. Après tout je lui avais dis que j'allais chez ma tante; et je sais me débrouiller toute seule. Il aurait quand même besoin de relativiser.
Néanmoins je m'en veux de ne pas lui avoir ne serait-ce qu'envoyer un petit message.Relativiser...moi aussi j'en aurai besoin.
- Je suis là ! Clamai-je en refermant la porte.
Pas de réponse.
Je m'avance vers la cuisine quand j'entend sonner l'interphone. Je fais marche arrière et me pose devant le téléphone de l'interphone, qui continue de sonner.
Peut être est-ce Fanny ? Qui a enfin une heure de pause dans sa vie au rythme effréné d'infirmière aux urgences. Ou bien tante Pénélope. Autrement je ne sais pas quels amis débarqueraient comme ça à l'improviste.Je m'apprête à répondre quand Jared me passe devant - si rapidement que je ne capte pas instantanément ce qui se passe - et ouvre la porte d'en bas à nos mystérieux visiteurs sans demander d'informations sur leur identité.
Je me tourne vers lui incrédule.- Ce sont tes parents, chérie. Dit-il un ton résigné.
Oh.Oh.
- Je leur ai dit que tu consentais à leur parler à nouveau, reprit-il.
Jared...J'étais figée de surprise, et en même temps j'étais prête à leur reparler à nouveau. Je me sentais soulagée que bientôt cette épreuve serait terminée. Et puis ce n'est pas comme si ils avaient tué quelqu'un. Pas encore..
- C'est quand même gentil de vouloir aider, Jared, je t'en veux pas.
Je me rapproche de lui.
- Et désolée pour hier.
- C'est rien.
Il m'embrasse sur le front puis furtivement sur ma bouche.
- Alors chérie on ne donne plus de nouvelles ?
Évidemment, en premier lieu, mes parents furent hostiles envers Jared et ne lui dirent rien, il n'eut pas même droit à un hochement de tête.
Pour eux, j'avais gâché ma jeunesse en emménageant avec lui. Ce serait Jared qui m'aurait éloigné mentalement et physiquement de mes parents. Comme si quitter le domicile familial n'était pas assez difficile !
Nous étions tous les quatre attablés, Jared en face de papa et moi en face de maman.
- J'étais occupée à déménager.
- Nous aurions pu t'aider. Me répond mon père.
- C'est gentil. Alors quoi de neuf ?
- Nous avons fini la cuisine ! Sur le thème marin ça rend très bien !
- Et à l'étage vous avez fait votre thème montagne ?
- Oh oui chérie depuis quelques mois déjà tu devrais revenir pour voir.
Nous finîmes le repas en silence, ils nous aidèrent à débarrasser et s'installèrent au salon pour le café.Cela ne faisait en fait que 4 mois que j'étais dans mon petit studio près de mon école quand j'avais décidé d'emménager avec mon copain.
Avant j'étais chez mes parents, enfant unique ou presque, avec une demi-soeur américaine plus âgé, Georgia, dont je ne connaissais l'existence que depuis 4 ans, 4 ans avec seulement quelques skype à notre actif. À cet instant précis je mourrais d'envie de la rejoindre à l'autre bout de l'atlantique. Georgia était auparavant Georges. Peut être pour cela que mon père n'a que peu de contacts avec elle...- C'est très bon les enfants je me suis régalée, s'exclame ma mère.
- Merci, nous dîmes en chœur, Jared et moi.
- Je suis fière de toi, me chuchota ma mère tandis que Jared discutait avec Papa dans la cuisine.Tu te débrouilles comme une chef !
- Maman.. Dis-je gênée, mais fière tout de même.
- Nan je t'assure ! Tu vis confortablement, tout en étant indépendante, Jared est sympathique, sincèrement. Tu sais ton père ne..Je coupais la parole à ma mère pour l'étreindre. Elle me rendit la pareille.
- Merci maman !
- Cool la mama hein ?
- Oui ahah ! Cool la mama...Je l'embrassais et m'asseyais tandis que les cafés arrivaient.
J'étais à présent pleine d'ocytocine : l'hormone du bonheur. J'ai vu ça dans un super magazine que je commence à lire depuis peu. Un magazine sur la vie, sur nos comportements, sur la nature, la littérature, et non sur les potins ou les 10 façons de s'habiller cool à un barbecue mi saison dans les années bissextiles.
Tandis que nous discutions j'abordais le sujet de ma visite chez tante Pénélope . Je faisais presque un discours de paix pour ma famille et je me surpris de nouveau à être philosophe et conseillère de vie. Espérons que mon père en prenne de la graine.
- Je vais essayer de voir Georgia en juillet, maintenant que j'ai les sous pour et elle le temps. Jared tu viendras ?
- J'essaierai ma puce, répondit-il en me caressant le dos.Je croisai le regard de mon père, détendu et bienveillant. Passé la peur post-séparation il se radoucissait. Ils avaient pris conscience tous deux que Jared était quelqu'un de bien, et que moi, j'avais grandi.
Je ne dirai pas que les tensions présentes avaient complètement disparues mais je sentais une nette amélioration.
Mon départ pour mon studio puis chez Jared avait juste été fort en effusions et désaccords.Je pouvais commencer MA vie à présent. Du moins je l'espère.
- Vous voulez venir le weekend prochain ? On invite Denise et Paul , proposa ma mère.
- On serait ravis !En partant j'observai longuement mon père et ma mère marcher vers la voiture familiale. La même depuis très longtemps, un monospace avec toit ouvrant pour voir les étoiles.
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Mue
RandomUne jeune femme de 22 ans emménage avec son copain. Elle commence une nouvelle vie et par le biais de nouvelles rencontres, elle se rend compte qu'elle n'a pas encore trouvé qui elle était vraiment. Son existence prend alors un nouveau tournant.