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Depuis trois ans, plus ou moins consciemment, Naruto avait su que ce jour viendrait. Tard dans l'après-midi, son téléphone spécial avait sonné, celui qu'il n'était pas autorisé à éteindre. Il avait pris l'appel dans le salon, écouté les nouvelles, puis était resté immobile, la tête dans les mains, pendant au moins cinq minutes. Pour finir, il était retourné dans la chambre pour contempler Hinata dans son sommeil. Il aurait voulu pouvoir s'allonger à côté d'elle et sombrer dans l'oubli pour se réveiller en la tenant dans ses bras. Ce n'était qu'un rêve, et heureusement... Dormir maintenant serait gaspiller le peu de temps qui lui restait. Les derniers moments de sa vie d'homme libre, où il avait le droit d'être lui[1]même car, bien qu'étant le troisième fils, il venait d'être désigné pour être roi. Ce jour n'aurait jamais dû arriver; il n'était pas envisageable lorsqu'il était enfant. Naruto s'était senti libre, sa mère l'avait aimé avec plus d'abandon, et les médias s'étaient moins intéressés à lui qu'à ses frères aînés. Menma et Deidara avaient tous deux été nommés avant lui. Menma le successeur, et Deidara en cas de défection de son aîné. Lui, Naruto, et plus tard Kohonamaru, on les avait laissés tranquilles, surtout grâce à leur mère qui les avait protégés. Trois des garçons tenaient en grande partie d'elle. Menma avait ses yeux bleus perçants, sans toutefois aucune trace de sa joie de vivre, et Deidara avait comme elle le teint clair et une forte personnalité. Royal et cassant comme son père, mais superbe et indépendant comme sa mère, Konohamaru était un mélange des deux. Naruto savait qu'il était tout le portrait de son père et celui-ci lui avait dit qu'il ferait le meilleur roi. Décidé, un brin arrogant, il possédait une autorité innée, une rigueur à la limite de l'intransigeance que le personnage public ne révélait pas. Même quand l'impair de sa mère avait été dévoilé et qu'elle s'était enfuie à Londres, honteuse, il avait été le seul à refuser de pleurer. Pour lui, c'était simple : elle était l'épouse du roi, elle n'avait pas respecté les règles, il n'était donc pas question de pardon. En tant que troisième fils, il avait eu de la chance. Après leur période militaire obligatoire, ses frères aînés avaient étudié l'histoire et la politique. Lui, il avait pu choisir la médecine, à Londres où il voyait sa mère, causant un certain remous dans la société de Kohona . Il avait fréquenté la jet-set, s'entourant des plus jolies femmes, se taillant vite une réputation de play-boy insouciant. Avait-il vraiment changé ? Il appuya son front contre la vitre fraîche et observa l'agitation de la rue, appréciant l'anonymat qu'elle procurait. Menma avait épousé Yuki, à la grande joie du peuple de Kohonamaru. Comme Naruto avait ri de l'impatience de son père, qui, deux ans plus tard, ne voyait pas venir d'héritier !

— Voyons, père, ils ont tout le temps...

Enfin, au bout de quatre ans, le pays avait appris la bonne nouvelle : une naissance était prévue pour avril. En février, lorsque le petit Yori était né prématurément, Naruto, en tant que médecin, avait tout de suite compris qu'aucune machine ne pourrait le sauver. C'était lui qui avait tenu dans ses mains son minuscule neveu dans ses derniers instants, parce que ni son frère ni son épouse n'en avaient la force. Alors, pour la première fois, il avait eu peur. Si son frère aîné s'avérait incapable d'engendrer un héritier, le trône reviendrait à Deidara lorsque leur père disparaîtrait. Sans chercher à approfondir, Naruto avait toujours su que ce dernier était fragile. Comprenant qu'il allait devoir assumer un fardeau trop lourd pour lui, Deidara était parti avec son 4x4 dans le désert hostile. Le suicide étant un péché, on avait parlé d'« insolation ». De nouveau, le royaume avait été plongé dans le deuil. Ensuite, la liste de patients de Naruto s'était réduite en même temps que sa liberté d'action. Peu à peu, on l'avait écarté de l'hôpital et du contact direct avec les malades. Refusant plus ou moins consciemment d'accepter l'évidence, il s'était chargé du projet du nouveau centre hospitalier et de l'université féminine. Aujourd'hui, l'évidence l'avait rattrapé. Naruto soupira. Il était capable, solide, il serait un bon dirigeant pour son peuple. Inutile de ressasser ses véritables aspirations, qu'il enfouirait profondément. Il allait devoir faire ce pour quoi il avait été appelé.

Destins ReliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant