Destins Reliés

18

En un clin d'œil, Naruto s'habilla et se précipita hors de la pièce vers les appartements des domestiques, suivi de Hinata. Lucy gisait dans une mare de sang, ses grands yeux bruns emplis de terreur, et c'est alors que Hinata comprit qu'elle attendait un enfant. Naruto lui palpa rapidement le ventre ; il parlait en arabe et traduisait pour elle.

— Elle est enceinte de six mois. Abruptio placentae, rupture du placenta.

Dans un hôpital, Hinata aurait su quoi faire et Lucy et son bébé auraient pu être sauvés. Mais ici, au milieu du désert, où les secours étaient à des centaines de kilomètres, il était évident, étant donné la gravité de l'hémorragie, qu'ils allaient perdre les deux très vite. Elle fit rouler la jeune femme sur le côté pour aider l'oxygène à parvenir jusqu'au bébé, et Naruto lança des ordres secs au pauvre Natsu, qui sortit en courant.

— Pouvons-nous l'emmener en voiture ?

— Nous n'avons pas le temps.

D'un seul mouvement, Naruto souleva la jeune femme exsangue dans ses bras et s'engagea dans les longs couloirs de la tente. Hinata lui emboîta le pas en se demandant où il l'emmenait. Le désert était frais et sombre lorsqu'ils sortirent, et son incompréhension augmenta encore. Naruto avait dit qu'ils n'avaient pas le temps de la conduire à l'hôpital, pourtant, un des grands 4x4 se dirigeait vers eux à toute allure. Quand il s'arrêta, Natsu en sauta pour ouvrir les portières arrière, et Naruto courut vers le véhicule, portant Lucy. Interdite, sa chemise de nuit flottant au vent, Hinata le vit allonger la jeune femme sur le siège, pendant que Natsu tirait sur des courroies. La voix de Naruto la fit sursauter.

— Hinata ! Allons ! Il posait un garrot tandis que Natsu ouvrait de grands cartons étiquetés et en sortait des linges. Au beau milieu du désert, ils étaient en train de créer une salle d'opération miniature ! — Nous devons opérer d'urgence. Quoi ? Ici ? Elle ouvrit de grands yeux.

— Je suis chirurgien, Hinata. Je sais ce que je fais.

Comme un automate, Natsu tapotait le bras de Lucy pour y trouver une veine. Ce fut à ce moment-là que Hinata intervint. Pour l'instant, peu importait de comprendre le pourquoi et le comment. Elle ne s'interrogea pas sur le fait de voir Natsu agir comme l'aurait fait un professionnel de la médecine. Ils étaient au milieu du désert, dans un 4x4 qui ressemblait à une ambulance, et Naruto s'apprêtait à pratiquer une césarienne ! A présent, il badigeonnait de teinture d'iode le ventre de Lucy. Natsu était chargé d'administrer les anesthésiants.

— Je ne peux pas ! dit-il en lui tendant les flacons. Hinata les inspecta. Un analgésique puissant et un relaxant qui provoqueraient une anesthésie partielle. Il ne s'agissait pas d'une anesthésie générale et, à forte dose, ces substances risquaient de gêner le fonctionnement des voies aériennes.

— Vas-y, dit Naruto en mettant les instruments en place.

Natsu surveillera les voies aériennes. Et prépare-toi à recevoir le bébé. Pour une fois, son ton autoritaire ne la choqua pas. Suivant ses instructions, elle injecta les produits dans la veine puis, très vite, suivit son propre instinct. Ouvrant un kit de réanimation, elle sélectionna le matériel le plus léger. Natsu s'empara du ballonnet pour faire respirer sa femme, comme si cet acte faisait partie de son quotidien. L'intervention devait être rapide et basique. Une césarienne classique, avec incision verticale. Quelques instants plus tard, Hinata tenait dans ses bras un minuscule être vivant, et Naruto sortait le placenta qui s'était détaché de la paroi utérine. C'était le seul moyen de stopper l'hémorragie. Hinata poursuivit sa tâche sans penser, sans réfléchir, car le bébé était flasque. Heureusement, il réagit à la réanimation. Elle souffrait pour Natsu qui, le regard vide, surveillait les opérations, gardant ses émotions pour plus tard. Naruto intima au malheureux d'injecter davantage de produits, puis pansa le ventre de Lucy pour la préparer à son transfert. Au moment où Hinata allait demander comment elle pouvait appeler les secours, elle entendit atterrir un hélicoptère. Naruto venait de sauver non une vie mais deux, dans des conditions impossibles, et les secours arrivaient ! Il criait maintenant des ordres à un médecin qu'elle reconnut : c'était le Dr Shizune qui courait de l'hélicoptère au 4x4 ! Heureusement, pressé comme elle l'était, elle ne regarda pas dans sa direction. Un pédiatre accourait derrière lui pour s'occuper de l'enfant. Mais Natsu dut voir l'effroi dans ses yeux. Ou crut-il qu'elle était gênée de n'être pas voilée? En tout cas, il s'empressa de lui tendre un linge, dont elle se couvrit le visage aussitôt. Mais il était trop tard. Sakura était devant elle, abasourdie. Pendant une seconde, elles se regardèrent, muettes, avant que Hinata lui enjoigne d'un signe impérieux de feindre l'indifférence. Elles se mirent au travail, préparant le nouveau-né pour son transfert. Il avait rosi et pleurait à présent, sans toutefois beaucoup d'énergie. Il devait en être à sa vingt-sixième semaine de gestation, ce que confirma le médecin. Naruto ne se détendit que lorsque Lucy fut sous anesthésie totale et transfusée. Appuyé à la paroi du 4x4, il fixait la couveuse contenant la vie minuscule qu'il avait sauvée, se souvenant de son neveu que son frère n'avait pas eu le courage de tenir dans ses bras. Il se rappela Yuki qui attendait, les larmes de son père, le deuil du peuple entier. Puis, en regardant Hinata qui bavardait avec le pédiatre, les yeux posés sur le bébé, il prit conscience qu'abandonner son enfant la tuerait. Il se raidit, refusant de se laisser aller à ses sentiments. Parce que... Enfin, peut-être y serait-elle... Tandis qu'on installait la mère et le prématuré dans l'hélicoptère prêt à repartir, Hinata parvint enfin à dire quelques mots à Sakura, son unique lien avec le monde réel. La seule femme qui pouvait comprendre dans quel guêpier elle s'était fourrée.