Chapitre 26 : Cameron

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J'avais envoyé un message à Mandy, après mon dernier cours, afin qu'elle me retrouve au bar. En journée, peu d'étudiants s'y trouvaient, ce qui nous conférerait un peu d'intimité. Je n'avais pas envie que d'autres personnes soient au courant des problèmes que j'allais aborder.

Lorsque j'y entrais, la salle était pratiquement vide. Seuls, quelques habitués des lieux étaient présents. Je m'installais au fond de la salle pour plus de discrétion et attendais que mon amie arrive. Je fondais beaucoup d'espoir sur cette seule conversation. Peut-être un peu trop mais je n'avais pas d'autres options. Kerrell, le serveur de jour, s'approcha de moi avec un sourire amical.

- Salut Cam. C'est rare de te voir ici en journée.

- Ouais. J'avais besoin d'une pause, mentis-je en forçant un sourire.

- Je te sers quelque chose ?

- J'attends quelqu'un. Tu peux m'apporter un verre d'eau en attendant, s'il te plaît ?

- Une jolie demoiselle ? demanda-t-il, taquin.

- C'est ça mais cette demoiselle est déjà en couple.

- Tu convoites une fille en couple ? s'étonna-t-il, désapprobateur.

- Non. C'est juste une amie.

- Oh. Je te ramène ton verre d'eau, dit-il en tournant les talons.

Je sortais mon téléphone portable pour envoyer un énième message à Nicah, lui demandant si elle avait prévu quelque chose pour la soirée, en sachant qu'elle ne me répondrait pas. Comme on disait « qui ne tente rien, n'a rien». à mon habitude, je restais fixé sur mon téléphone, attendant un miracle qui ne viendrait absolument pas. Lorsqu'elle était décidée, Nicah ne déviait pas sur un autre chemin. C'était une femme déterminée. Kerrell revint avec mon verre d'eau et me lança un regard affirmant qu'il ne me croyait pas du tout. De quoi je me mêle ? Les têtes bien pensantes, jugeant sans savoir, avaient le don de m'énerver prodigieusement.

Je déposais, enfin, mon téléphone près de mon verre en soufflant. Qu'elle pouvait être têtue. La musique en sourdine, je tentais de m'apaiser en étirant mes doigts et ma nuque. Mandy devait déjà être là. Elle était en retard mais je ne pouvais lui en vouloir. Après tout, j'avais fait foirer sa journée shopping entre amies. Je n'avais pas à me sentir hargneux pour si peu alors qu'elle n'était pas de service aujourd'hui. J'avais la bouche sèche. Mon esprit tourbillonnait de questions. Mon corps était contracté, comme se préparant au combat. En clair, j'étais sur les nerfs. Je pris une longue inspiration puis bu, d'une traite, mon verre d'eau. Je levais mon regard sur la porte d'entrée comme si j'avais senti sa présence avant même de la voir. Mandy approchait. Ses cheveux blonds dansaient autour de son visage alors qu'elle me souriait en s'asseyant. Lorsqu'elle aperçut mon expression tendue, elle fronça les sourcils.

- Pourquoi j'ai l'impression que le sujet que nous allons aborder est très grave, Cam ?

Je regardais autour de moi et tombait sur Kerrell qui nous observait avec incompréhension. Bien sûr, il connaissait Mandy et Peter. Il ne devait pas comprendre ce que tout cela signifiait. Je tournais mon attention sur Mandy, à nouveau.

- Parce que ça l'est.

Elle se pencha sur la table, me fixant de ses yeux marron scrutateurs.

- Explique-moi.

Durant un instant, j'hésitais. J'avais l'impression de trahir Nicah en confiant ses secrets mais je n'avais plus d'autres choix. Je ne savais pas comment réagir face à quelqu'un de suicidaire. Ce n'était pas mon domaine et j'étais terrifié.

- J'ai une amie qui va mal... très mal.

Mandy se recula sur son siège et changea d'expression. Je ne l'avais jamais vu dans le cadre professionnel mais je supposais que son air sérieux appartenait à son milieu professionnel.

- Comment ça, très mal ?

Ma bouche eut un moment de résistance lorsque je voulus sortir le mot qui m'effrayait tant.

- Suicidaire.

Elle hocha la tête en soufflant par le nez. Je ne l'avais jamais vu aussi concerner.

- D'accord. Bénéficie-t-elle d'un suivi ?

- Un suivi ?

- Un suivi psychologique ?

- Non. Elle refuse et menace son seul parent, ici, de fuir l'état s'il bouge le petit doigt. Elle a réussi à manipuler un psychiatre.

- Que veux-tu dire ?

- Elle a été malade, il y a quelques semaines, cet homme l'a alors obligé à voir un médecin. Sans lui dire, il a fait venir un psychiatre au cabinet du médecin. Ils ont eu une entrevue après son auscultation. Lorsqu'ils eurent fini, il en a conclu que l'homme en faisait trop. Que ce n'était pas parce qu'elle refusait de faire des études universitaires qu'elle était instable. Elle l'a manipulé.

- D'accord. Elle est douée en manipulation alors. Es-tu sûr qu'elle veut se suicider ? a-t-elle posé une date ? t'a-t-elle dit de quelle façon elle allait procéder ?

J'eus un mouvement de recul à ses mots crus.

- Excuse-moi. Cela peut de paraître abrupte mais c'est comme ça qu'on peut déterminer si une personne est vraiment suicidaire ou si ce n'est qu'un appel au secours.

- Elle va vraiment le faire, Mandy. Elle veut juste accomplir une liste de choses à faire avant de passer à l'action.

- Une liste ?

- Je m'explique... Son père est mort, il y a trois ans. Elle ne s'en est jamais remise, soupirais-je. Elle veut aller le rejoindre. Si tu l'as voyait parler de lui, Mandy. Elle lui voue un véritable culte. Cette liste est les choses qu'ils auraient dû faire ensemble à sa majorité s'il n'était pas mort. Elle veut faire ça pour lui avant de mettre un terme à sa vie. Je ne sais pas quoi faire. Je suis perdu. Je ne comprends pas comment on peut en arriver là. Je ne la comprends pas. Je ne sais donc pas comment l'aider. Elle a tendance à se braquer quand on aborde le sujet. Elle refuse de me voir. Je suis complètement désespéré... paniquais-je.

- Calme-toi. Tout va bien, Cam. On peut l'aider mais respire, tenta-t-elle de m'apaiser en mettant sa main sur la mienne. Tu sais quoi. Je ne peux pas faire de diagnostic comme ça. Il faut que je la rencontre et que nous parlions.

- Elle n'acceptera jamais.

- Ne t'en fais pas; je suis formée à ce genre de cas. Il suffit qu'elle me laisse entrer dans son esprit sans s'en apercevoir, lança-t-elle, optimiste, dans un clin d'œil.

C'est dans cette seule phrase que je me sentis enfin épauler... moins seul dans ce combat...

Joy in the darkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant