Chapitre 30 : Nicah

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- Tu m'appelles samedi, compris ? imposa Henry en ouvrant la porte dans l'intention de partir.

- Oui. Sans faute.

Il esquissa un pas vers le couloir quand il s'arrêta et me fixa.

- Je n'aime pas l'idée de te laisser seule ici, dans l'état où tu es...

- Je vais à peu près bien. Je ne ferais rien. Promis.

Septique, il me scruta intensément avant de soupirer et partir pour de bon. Je soufflais un bon coup et ravalais le sourire de façade que je m'employais à garder depuis qu'il était arrivé. Je me laissais tomber en arrière sur le canapé et essayais de digérer les paroles et les quelques larmes d'Henry. Je pense qu'il avait compris que c'était bientôt la fin. Il en était désespéré. Cela me fit mal de lui infliger pareille souffrance. Je lui avais promis de lui donner plus de nouvelles mais j'avais exigé qu'il ne vienne plus à la maison. Cela ne lui faisait que plus de mal. Cela ne servait à rien.

Je fermais les yeux, m'installais plus confortablement et tentais de prendre une respiration plus lente. En général, cela m'aidait grandement pour me détendre suffisamment et m'endormir plus sereinement. Peu à peu, je sentis mes muscles se relâcher, un à un. Mes pensées s'éparpillèrent. Je tentais de les canaliser sur des aspects positifs, espérant éviter les cauchemars. Lorsque je me sentis tombé dans l'inconscience, un tintement me ramena directement dans ma réalité. Mon corps se crispa entièrement comme si mes exercices de relaxation n'avaient servi à rien. Je maudissais la personne qui venait de sonner à ma porte. Je n'avais envie de voir personne. D'autant plus que seuls Henry et Cam connaissaient mon adresse. Henry venait de partir alors, à moins qu'il est oublier ses clés, cela ne pouvait être que Cam et il était hors de question de lui ouvrir. Il devait passer à autre chose, pour son bien et le mien. Je me levais silencieusement, tout de même, afin d'aller jeter un coup d'œil au judas. Le voir, sans qu'il puisse le savoir, me ferait du mal mais je ne pouvais m'en empêcher.

Le temps faisait son œuvre et mes pensées à son égard trahissaient mes émotions. Mon cœur était partagé. Mon père. Cam. Henry. Ma mère. Je n'aurais jamais dû venir ici.

Je fermais un œil puis plissais l'autre. Une femme. Blonde, au regard tendre attendait devant ma porte. Qui était-ce ? Pourquoi sonner à ma porte ?

Je fis un pas en arrière, dans l'intention de l'ignorer mais quelque chose m'animait dans la poitrine, comme si je devais passer outre mes envies et ouvrir cette porte. Je cherchais à lutter contre. Je ne voulais voir personne et je ne voulais pas que l'on me voit comme ça mais ma main s'avançait déjà vers la poignée et l'autre déverrouiller celle-ci. J'entrouvris la porte et laissais passer que mon visage. La femme m'offrit un grand sourire lorsque j'apparus devant elle.

- Bonjour, mademoiselle...

- Nicah. Appelez-moi Nicah. Que puis-je faire pour vous ?

- Je m'appelle Mandy. Je suis désolée de vous déranger mais je m'apprête à visiter un appartement dans votre immeuble et j'aurais quelques questions à vous poser ?

Perplexe par cette démarche, j'entendis en silence qu'elle reprenne la parole. Je regrettais déjà d'avoir laissé parlé mon instinct.

- Je voudrais connaître un peu les lieux avant de me décider à prendre ce logement, comme savoir si le quartier est agréable, si le voisinage est calme, si c'est bien desservi en transport en commun. Toutes ces petites choses. J'ai essayé de toquer à d'autres appartements mais personne n'a répondu. Vous êtes la seule, s'excusa-t-elle presque.

Je soupirais fortement. Je savais que cela n'était pas très poli mais je m'en fichais à cet instant car je savais que j'allais la laisser entrer dans mon appartement et répondre à ses questions. Habituellement, j'étais quelqu'un de fiable. Cette femme semblait exacerbée cet aspect de ma personnalité. J'ouvris la porte en grand, sur ma tenue crasseuse et lui fit signe d'entrer. Elle pénétra dans mon salon, cuisine, salle à manger, tout aussi crasseux que moi et regarda autour d'elle avant de faire revenir son regard sur moi.

- C'est... charmant.

Je ricanais.

- Vous n'en pensez pas un mot mais ce n'est pas grave. Nous ne sommes pas là pour débattre de mon appartement. Asseyez-vous, je vous en prie.

Elle prit la direction du canapé, à deux pas d'elle et s'installa en repoussant les vêtements qui traînaient dessus.

- Voulez-vous boire quelque chose ? J'ai de l'eau ou du café... je crois.

- Non, merci, refusa-t-elle en secouant la tête.

Je pris donc place à l'autre bout du canapé et attendis qu'elle se lance.

- Cela fait-il longtemps que vous vivez ici ?

- Quelques mois.

- C'est assez pour savoir s'il y a des problèmes de voisinage. Y-as-t-il des personnes bruyantes dans l'immeuble ? je suis étudiante et j'ai besoin de calme pour travailler.

- Non. La plupart des gens qui vivent ici sont retraité ou étudiants. C'est très calme.

- Vous êtes étudiante ?

- Non.

- Oh. Vous travaillez alors, peut-être.

- Non.

Ces questions étaient pour le moins personnelles et ne considéraient absolument pas l'immeuble. Cela me mettait mal à l'aise. Elle dut le sentir.

- Le quartier est agréable ?

- Oui. On dispose de tous les commences et administration à proximité. Nous avons les bus de ville et régionale à deux rues. La gare se trouve à quinze minutes à pied. L'aéroport à trente minutes en voiture. Vous avez un parc à cinq minutes à pied si vous êtes une fervente sprinteuse. Il y a deux restaurants dans cette rue et la cité universitaire et à quinze minutes en voiture ou bus, énumérais-je rapidement espérant écourter cet entretien.

Le sourcil levé, elle me fixa puis fit descendre ses yeux sur mes cernes, dévorants le haut de mes joues. Ses yeux prirent une lueur compatissante. Je baissais la tête. La scène était déstabilisante par la profondeur de son inspection.

Je sentais bien qu'elle n'avait aucune envie de disparaître. Elle comptait s'éterniser et mes soupçons s'éveillèrent. Qui était cette femme ?

Joy in the darkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant