Chapitre 32 : Nicah

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Cela faisait deux jours que Mandy avait emménagé dans l'appartement, au bout du couloir. Cinq depuis notre première rencontre. Depuis, j'avais l'impression d'avoir une nounou en permanence à la maison. Elle passait la plupart de ses journées, lorsqu'elle n'était pas en cours, chez moi. De toute évidence, elle avait compris, rapidement, que mon état n'était pas dû à la biologie. Elle squattait mon studio avec dévotion alors que son logement était dix fois plus confortable. Cela m'était la puce à l'oreille.

C'était une fille joyeuse, intelligente et obstinée. Elle ne lâchait rien depuis qu'elle avait compris et s'employait à me donner le sourire, ce qu'elle parvenait à faire avec plus ou moins de réussite. Il fallait dire qu'il n'était pas facile de résister à son esprit enjoué et déterminée. Ce matin même, elle avait décrété qu'il me fallait une occupation afin de sortir de mon taudis. Elle avait donc prévu de m'emmener, de force, au restaurant, le soir même. Je savais que je ne devrais pas la laissé s'incruster dans ma vie et agir différemment. Agir comme avec Cam. Elle était, cependant, bien plus difficile à convaincre que lui, ce qui me laissait à penser que Cam ne s'était pas autant accroché à moi que je l'avais pensé. Cela me fit plus de peine que je l'aurais cru. Mon imaginaire l'avait imaginé, déjà, amoureux de moi. Je savais que c'était mal mais cette idée me faisait du bien. J'avais eu envie qu'il soit amoureux de moi. Ce n'était pas le cas, néanmoins et cela était douloureux pour mon cœur déjà meurtri et pour mon ego de femme, aussi, je devais l'avouer. Je m'étais fourvoyé, voilà tout. Pouvais-je, néanmoins, lui en vouloir ou éprouver de la tristesse alors qu'il se contentait de m'apporter ce que je lui avais demandé ? La réponse était, bien évidemment que non...

Elle m'avait demandé de me préparer pour vingt heures. Il était dix-neuf heures trente et je n'avais toujours pas entrepris les préparatifs. Je savais que mon comportement était à la limite de la procrastination mais je n'avais réellement aucune envie d'aller manger à l'extérieur. J'aurais préféré qu'elle me demande de préparer un dîner à la maison pour se faire une soirée Netflix. Je soupirais et me levais du canapé en posant le livre qui m'avait tenu occupé une bonne partie de l'après-midi et me diriger vers ma salle de bain où se trouvait mon armoire. J'y piochais un pantalon noir cintré, un débardeur blanc et une chemise de la même couleur. Cela ferait l'affaire. Je me glissais, ensuite, sous la douche. Vingt minutes plus tard, j'étais prête. Je n'avais pas poussé le truc jusqu'à me maquiller. Je m'étais contenté de me passer un coup de brosse dans le nid d'oiseau, au-dessus de mon crâne. J'étais d'accord pour la suivre dans cette sortie mais pas au point de repousser mes envies à ce point, comme j'avais pu le faire pour les soirées passer en compagnie de Cam, Scott et les autres, quelques mois de ça. Cela me remémora ces soirées-là. J'étais encore dans le déni, le plus total. J'avais encore du temps et des objectifs de vie. Je n'étais pas encore attaché à qui que ce soit, excepté Henry. C'était le bon temps alors que je nageais dans l'inconscience de mes choix. À présent, j'avais seulement la sensation d'être un monstre d'égoïsme. Non. Il ne fallait pas que je me laisse aller à penser à tout cela ou je ne serais bonne à rien ce soir. Mandy avait raison. Il fallait que je prenne l'air. Que je sorte de cet appartement. Que je vois le monde tourner. Oui. J'allais me laisser bercer par les directives de ma nouvelle voisine, jusqu'à ce que le festival débute. À ce moment-là, je pourrais oublier tout effort et me laisser aller en sachant que je n'aurais plus à supporter mon intolérable égoïsme bien longtemps.

Alors que j'enfilais mes boots, Mandy entra dans le salon, comme si elle était déjà chez elle, sourire aux lèvres, en tapant dans ses mains.

- Fabuleux. Tu es prête. J'ai cru qu'il faudrait un bon coup de pied au cul mais apparemment ça sera pour la prochaine fois.

- C'est très drôle mais je vais intérioriser si tu me le permets.

- Enfin, un peu de sens de l'humour. C'est que tu te révèles aujourd'hui. J'adore, s'exclama-t-elle.

Je soufflais. Elle était une fille très drôle et agaçante quand elle s'y mettait.

- Allez, mon rayon de soleil. On y va.

J'attrapais mon sac à main, en levant les yeux au ciel, sans aucun commentaire pour sa moquerie et empruntais la sortie avant de me faire vanner une nouvelle fois. Mandy aurait été une fille que j'aurais adoré avoir dans ma vie, en d'autres circonstances. Pétillante et pleine de vie, nous nous serions bien entendu car fut un temps, j'étais son exacte réplique. Jamais dans le négatif, je ressortais de chaque situation avec enthousiasme, retirant toujours des leçons de vie, jusqu'à ce fatal jour de septembre. Rien ne m'arrêtait à l'époque. Cette Nicah me manquait parfois.

Je me dirigeais vers sa voiture mais elle m'arrêta en secouant la tête, faisant voler ses long cheveux blonds autour de son visage.

- Non, non, mademoiselle. On va marcher jusqu'au restaurant. Je pense que nous avons besoin d'exercice.

Ayant l'impression d'être devenue une adolescente revêche, je soupirais en renâclant. Après tout, je n'avais que dix-neuf ans, depuis hier. Je pouvais me le permettre.

- Moi, ça va. Pas besoin de me dépenser.

- Arrête de râler comme ça. Tu me fais penser à ma petite soeur. Elle a quatorze ans, s'obligea-t-elle de préciser avec exagération.

- Ok, ok. Allons-y avant que je devienne un bébé à tes yeux.

Malgré mes protestation, je pris le temps de prendre une grande inspiration de cet air bien plus pur que celui de mon appartement. Les émanations de la pollution environnante n'avaient jamais été aussi bonnes à humer qu'à cet instant. Cela me fit du bien et rapidement, mon esprit s'éclaircit, me permettant d'apprécier un peu plus le monde qui m'entourait. Je ne pouvais pas affirmer que cela me faisait plaisir d'être sorti de la maison mais ma réticence fut partagée avec le bien que cela me fit, moralement, d'interagir, indirectement, avec le monde autour de moi.

- Je suis contente de t'avoir rencontré, mine de rien, s'élança Mandy, brisant le silence qui s'était installé entre nous depuis cinq minutes.

- Ah bon ? Pourquoi ? demandais-je perplexe.

- Oui. J'ai senti, jeudi, que tu pourrais devenir une très bonne amie, affirma-t-elle.

Je la regardais comme si elle était devenue folle entre hier soir, où elle m'avait quitté, et aujourd'hui.

- Ne me regarde pas comme ça. C'est vrai. Tu es dans une mauvaise passe, d'accord... mais tu as beaucoup de potentiel en toi. Je sais que tu peux t'en sortir et je veux être la première à voir le Phoenix se relever de ses cendres. Tu mérites mon amitié bien plus que la plupart des gens que j'ai pu côtoyer ces dernières années, je peux te l'assurer.

D'accord... avais-je perdu la capacité de comprendre les gens ? Je ne comprenais rien à ce qu'elle disait. De plus, elle avait tort. Je ne renaîtrais pas de mes cendres. Loin de là. Après tout, elle ne savait rien de mon histoire malgré son insistance à me faire parler. Je secouai la tête, vaguement amusée par son optimisme. Il n'y avait pas à dire... elle était douée pour chasser les nuages qui obstruaient ma vue. Sans le savoir, elle arrivait là où personne n'avait pu réussir... me redonner le sourire. Quelque chose qui était incompréhensible car elle y parvenait sur des sujets qui avaient valu à Cam et Henry des remontrances. Cette femme était une sorcière.

Mon esprit désordonnée par l'arrivée, soudaine, de celle-ci méritait un peu de soin pour y voir plus clair. Je ne savais plus quelles étaient mes émotions prédominantes lorsqu'elle était dans les parages. Cela était extrêmement, perturbant. L'envie de ressortir mon carnet se fit pressant. Il était, tout d'abord, destiné à ma mère mais il s'était révélé précieux pour mettre de l'ordre dans mes idées. Était-il le même, après une semaine de rejet, de le rouvrir ?

Il semblerait de la réponse allait de soi.

Joy in the darkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant