Chapitre 39 : Nicah

250 40 1
                                    


Le jour J était arrivé. Avachie sur mon canapé, je fixais, obsessionnellement, le sac que j'avais préparé. Mon départ était programmé pour trois heures. Il était treize heures quarante sept. Je regardais l'heure tourner avec un sentiment de désespoir, repensant aux paroles de Mandy. Mon père aurait, certainement, préféré me voir en vie et heureuse, c'était même certain, mais je ne me sentais pas assez forte pour vivre au-delà de la date limite que je m'étais imposé. Je ne vivais, jusqu'à présent, que pour faire ce que nous aurions dû faire ensemble. Maintenant, je n'avais plus de but. Mon horizon était vide. Le néant de mon existence me fixait de ses yeux sombre et cruel. Pourtant, si je déviais légèrement la tête, une lumière transperçait le paysage obscur qui m'entourait. Cela représentait l'inconnu et le deuil alors qu'en regardant en face de moi, il y avait ce que je connaissais, ce à quoi je m'étais préparé toutes ces années. Ce chemin-là était, certes, définitif mais plutôt rassurant. L'autre me terrifiait. Je n'étais pas femme à laisser mes peurs me dicter facilement. Seul une vie sans lui m'effrayait mais choisir de ne pas suivre ma ligne de conduite signifiait prendre le risque de laisser la vie m'arracher de nouveau quelqu'un que j'aime et en souffrir. Je ne pourrais le supporter. La perte infligeait trop de souffrance.

Je ne savais plus quoi faire. Devais-je aller à ce festival et rentrer à la maison ou faire tout de suite mes adieux à ce petit appartement qui m'avait chaleureusement accueilli, ces derniers mois ? Devais-je prendre le risque de choisir la vie ? Ou devais-je lui faire mes adieux ?

Je repensais à lui. Depuis mon réveil, je ne pensais qu'à lui. Était-il fier de tout ce que j'avais fait en nos noms ? Qu'attendait-il de moi, à présent ? Était-ce lui qui m'avait envoyé toutes ces belles personnes dans le but de me faire comprendre que la vie avait plus à m'offrir que du chagrin ?

Je secouais la tête et décidais de ne pas y penser maintenant. J'avais le temps de faire un choix avant de me décider. Après tout, ce soir, minuit était bien loin. Tout pouvait changer selon mon ressenti lorsque j'aurais réellement fini ma liste. Me sentirais-je libéré ou accompli ?

Je zieutais l'horloge. Le temps avançait si doucement. J'avais l'impression qu'il se rallongeait comme pour me laisser le temps d'analyser la situation sous toutes ses coutures. C'était une torture de l'esprit.

Je n'avais pas peur, bizarrement. J'aurais pensé qu'au moment T je serais effrayé par ce que je m'apprêtais à entreprendre mais cela n'était pas le cas. Si cela se faisait, cela ne se ferait pas dans l'horreur de mon acte. C'était ça de gagner. La mort était une vision si douce. Une fin, a ce qui me tordait les tripes, qui carbonisait mon cœur pour n'en laisser que des cendres. La vie était plus douloureuse et brutale mais j'avais aussi appris, ces derniers mois, qu'elle pouvait se montrer douce et euphorique. Je ne savais pas ce qui allait ressortir de cette journée mais cela serait un tournant à mon existence. Henry... Mandy.... Cam.... Scott... Maman.... Papa... toutes ces personnes qui comptent tant pour moi. Je savais que si je faisais ce qui était prévu, ils allaient en souffrir, à des degrés différents, mais cela allait impacter leur vie. Ils seraient tristes... même lui. C'était ce que Mandy m'avait appris. J'étais, longtemps, resté dans l'optique que papa me voulait près de lui, même si pour cela je devais m'ôter la vie mais cela n'était pas le cas. Elle avait raison. Il voudrait que je vive. Me voir le rejoindre si tôt, le rendrait triste... mais il serait aussi heureux de pouvoir me serrer dans ses bras.

Plongée dans mes pensées, je n'entendais pas tout de suite les coups porter à ma porte. Je levais les yeux, doucement, hésitant à répondre mais les coups se firent plus virulents avec le temps et je ne voulais pas que cela alerte mes voisins. Je n'avais d'autres choix que me lever et ouvrir à ce visiteur inopportun. Mandy se tenait là, le regard inquiet, qui disparut rapidement. Je fronçais les sourcils. Que faisait-elle là ? Et pourquoi cachait-elle l'angoisse que j'avais pu lire sur son visage ?

- Parfait. Tu es toujours là, s'exclama-t-elle avec un peu trop d'enthousiasme pour ne pas être intrigant. Tu es prête?

Alors là je ne comprenais rien. Nous n'avions rien de prévu, aujourd'hui. Je m'étais libéré de tout engagement, exprès.

- Prête ? répétais-je comme une idiote.

Mandy ria. Peut-être avais-je fait une expression comique, à l'instant.

- Le festival, imbécile. Tu ne te rappelles pas ? Tu m'as dit vouloir y aller aujourd'hui.

La bouche entrouverte, je la fixais. Je n'avais pas dit que je tenais à ce qu'elle m'y accompagne. Cela pourrait compliquer les choses pour moi. Sa présence changerait la donne.

- Tu viens ?

- Bien sûr, voyons. Tu vas faire la fête, je veux être de la partie. On va trop s'amuser, cria-t-elle les poings en l'air, tout sourire et tout ce que je pouvais penser était «Merde».

- Tu ne m'avais pas dit que tu viendrais...

- Parce que je ne savais pas si je pourrais m'arranger avec mon travail mais comme tu peux le voir, tout vas bien. Je peux venir. Je suis trop contente. On va faire des ravages. On doit absolument être les deux filles les plus fêtardes de ce festival, s'enthousiasma-t-elle.

- Ah...

- Tu sembles si heureuse de ma présence, Nicah, se renfrogna-t-elle.

- Non. Non. Ne te méprend pas. Je suis contente. C'est juste que je m'y attendais pas, mentais-je pour ne pas la froissée davantage. On va bien s'amuser. Cela n'aurait pas été pareil sans toi, ajoutais-je dans un sourire forcé.

Elle passa son bras autour de mon cou et m'entraîna au milieu du salon après avoir fermé la porte.

- Je préfère ça. C'est vrai quoi. On ne va pas à un festival sans sa meilleure amie. Ce serait d'une tristesse, dit-elle sur le ton de la blague.

Je secouais la tête, amusée, oubliant un instant qu'elle venait de tout faire capoter.

- C'est sûr. Surtout quand la fameuse meilleure amie, se proclame sous ce titre toute seule, rigolais-je.

Elle mit une main sur le cœur, mimant l'affectation.

- Tu te rends compte à quel point tu m'as faits mal là ?

Je levais au ciel devant son mauvais jeu d'acteur.

- On ne bougera pas d'ici tant que tu n'auras pas admis que j'étais la meilleure de toutes les meilleures amies du monde.

J'éclatais de rire, à présent. Mon Dieu, qu'elle pouvait être extravagante. Je l'adorais. Elle était douée pour effacer tous mes éternels tourments au bon moment.

- Mandy... fais-je planer le suspense. Tu es la plus... chiante de toutes les meilleures amies du monde.

Ce fut elle, qui éclata de rire.

- J'aime beaucoup ta façon de me percevoir, ma petite Nicah chérie.

Une fois, calmée, elle zieuta sa montre, et parti récupéré mon sac.

- Aller, ma fêtarde, il est l'heure de danser jusqu'au bout de la nuit.

Elle me fourra le sac dans les mains et ouvrit la porte, tel un majordome, me priant de passer en première. Je ne pouvais que me demander comment tout cela allait finir mais une chose était sûre. Cela ne serait pas de tout repos...

Joy in the darkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant