Chapitre 31 : Cameron

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Je me sentais assez con, assis là, sur les escaliers de ce bâtiment, écouteurs aux oreilles à espionner une conversation à laquelle je n'avais pas été convier. Mandy avait eu cette idée afin de nous aider, Nicah et moi, en même temps. J'avais besoin de savoir si Nicah allait bien, alors elle a proposé de laisser son téléphone portable sur appel pendant qu'elle serait à l'intérieur avec elle. Elle voulait se rapprocher de Nicah en devenant une amie, l'air de rien, mais je doutais que Nicah ne comprenne pas son piège. C'était trop gros. D'autant plus, qu'elle attaquait fort. Elle aurait dû se cantonner aux questions sur l'ambiance du quartier.

- Qu'est-ce que tu fais pour t'occuper ici ? Il y a des choses intéressantes à faire pour les jeunes femmes comme nous ?

Nicah mit du temps à répondre.

- Qui t'envoie ?

Sa voix était presque accusatrice, cassante. Évidemment, elle était en colère. Comment Mandy allait se sortir de cette impasse ? Devrais-je me révéler ?

- De quoi tu parles ?

- C'est Henry ?

- Henry ? joua Mandy les ignorantes.

- Oui. C'est lui qui t'envoie pour me surveiller ?

- Non, je t'assure que je ne suis là que pour visiter un appartement et quand je t'ai vu, lorsque tu as ouvert la porte, je me suis dit que j'allais, peut-être pouvoir me faire une nouvelle amie puisque nous avons, à peu près, le même âge, expliqua Mandy, le ton faussement perplexe.

Elle s'en sortait plus que bien. Je ne savais pas qu'elle pouvait être une aussi bonne menteuse.

- Si je te dérange, je peux toujours m'en aller... d'ailleurs l'agent immobilier ne devrait plus tarder... Je vais y aller.

Le silence se fit et je me demandais si Mandy avait fait tous cela, en vain.

- Non, attends... je suis désolée. Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai été très malpoli. Je pensais... Laisse tomber. Je m'excuse pour mon comportement. Je...

- Ne t'excuse pas. Ce n'est pas grave. Tu n'as pas l'air d'être très en forme aujourd'hui. Peut-être que nous pourrions tout recommencer très prochainement si je décide de prendre l'appartement à pourvoir. Ainsi, nous améliorerons cette rencontre et apprendrons à nous connaître. J'adorerais avoir une voisine avec qui entretenir une bonne amitié. Ça te dit ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Comme je le craignais, elle n'avait pas l'air de vouloir abandonner son idée de ne pas tisser de lien. Cependant, à ma grande surprise, elle alla à l'encontre de mes pensées.

- Pourquoi pas. Je suppose que tu vas visiter l'appartement au bout du couloir... il va te plaire. C'est un grand appartement. Je l'ai visité lorsque je suis arrivée en ville mais je voulais quelque chose de plus petit.

L'intonation de sa voix, au début morne, sembla s'égailler quelque peu, ce qui me rassura. Mandy était une magicienne. J'allais l'inviter au restaurant pour ce qu'elle avait fait pour nous. Elle le méritait. Un homme montait les escaliers au moment où celle-ci répondit à Nicah. Cela devait être l'agent qu'elle attendait. Costume et cheveux coiffé en arrière, il portait un dossier sous son bras.

- Excusez-moi, jeune homme.

Je me décalais pour le laisser passer et vit la porte de Nicah s'ouvrir à ce moment-là. Je me levais, précipitamment, et me cachais un peu plus bas.

- En tout cas, c'était un plaisir de te rencontrer et j'espère, vraiment, que nous serons bientôt voisines, Nicah.

- Oui, nous verrons bien..

Je vis l'homme s'arrêter à hauteur des jeunes femmes et l'entendis se racler la gorge.

- Bonjour, salua Mandy l'homme.

- Bonjour. Êtes-vous la jeune femme qui a demandé à visiter l'appartement vingt-quatre b ?

- Oh, vous êtes l'agent immobilier. C'est bien moi. Mandy Stinson, se présenta-t-elle en tendant la main vers lui.

- Enchanté. Êtes-vous prête à visiter ce bien ?

- Plus que prête. À plus tard, Nicah.

Nicah ferma sa porte et je me découvrais aux yeux des deux personnes restantes dans le couloir. Mandy me lança un coup d'œil en sortant son téléphone de son sac et appuya sur un bouton puis le rangea. Mon propre téléphone émit un son annonçant la fin de la communication téléphonique. Elle me fit un signe de main pour que je les suivent. L'homme, perplexe, m'observait bizarrement mais ne fit pas de remarque. Il fallait dire que je pouvais sembler louche avec mon pull noir, capuche relevée sur la tête, attendant qu'une jeune femme sorte d'un appartement de l'immeuble dont il est en charge. Mon air maussade et impatient ne devaient pas aider non plus.

- Bien. Vous pouvez me suivre.

Je ne savais pas trop ce que la scène donnait de l'extérieur mais je pouvais comprendre que cela pouvait lui sembler étrange. Mandy eut un petit rire face à l'attitude de l'homme puis le suivi. J'en fis de même en forçant le pas pour me retrouver à hauteur de mon amie.

- C'est une femme très intéressante, Cam. Très triste. Au bout du rouleau mais avec beaucoup de potentiel. Un feu la couve. Elle fait tout pour l'éteindre mais il est là. Il suffit d'attiser ses braises, dit-elle avant de me fixer en posant une main sur mon épaule. Elle n'est pas perdue, Cam, loin de là. Je peux la ramener.

Ces deux dernières phrases auraient pu me faire tomber à genoux devant elle. Elle avait l'air si confiante, si déterminée, que j'aurais voulu la remercier de mille manières. Je ne savais pas ce qu'elle avait pu voir d'aussi convaincant chez Nicah pour la voir aussi pleine d'espoir mais je m'en foutais. Elle avait vu et avait la capacité de la sauver d'elle-même. C'était tout ce qui comptait, au final. Ce n'était, pourtant, pas gagner. Nicah était profondément ancré dans son objectif. Néanmoins, je savais que si quelqu'un pouvait l'aider, c'était bien Mandy. J'espérais que sa délicatesse, sa douceur et sa patience à toutes épreuves allaient faire un foutu miracle.

Elle représentait notre salut à tous. À sa mère. À monsieur Parker. À moi.

Joy in the darkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant