Baisers salés (Terminée)

Chapitre 1 - Bouffée d'oxygène

Août

Ange n'était pas vraiment le genre d'homme sur qui les femmes se retournaient. Loin de l'allure de mauvais garçon qui attirait inexplicablement la gent féminine, il était sans cesse porté par ses pitreries et un léger je-m'en-foutisme que la plupart des gens jugeaient comme de l'immaturité.

Ses cheveux, que beaucoup qualifiaient à tort de roux, ne lui offraient que très rarement la possibilité d'être maître de ses ondulations. Ses yeux, que sa petite cousine décrivait vert caca d'oie, étaient loin d'être son arme fatale, contrairement à ceux de Fabrice, son meilleur ami depuis l'époque du lycée, qui avait la chance d'avoir des iris noisette.

Parfois Ange l'enviait. Lui au moins, même s'il avait choisi une drôle de coiffure avec ses dreads, pouvait faire le coup du regard qui tue. Ceci dit, ce n'était pas cela qui empêchait Ange de s'amuser. Les complexes, ça allait bien deux secondes mais pas plus, car il préférait profiter de la vie et se jouer d'elle.

Et bien évidemment, comme toujours, son manque de sérieux faisait rage alors que Fabrice lui demandait de se dépêcher de choisir un plat. Le serveur, quant à lui, stylo et carnet en main, attendait avec un calme honorable que celui-ci se décide enfin, le tout en jetant quelques œillades inquiètes aux clients des alentours qui ne cessaient d'augmenter.

— C'est quand tu veux surtout hein ! ironisa Fabrice en lâchant un faux soupir.

Le concerné lui offrit un petit sourire amusé avant de gratter sa chevelure blond vénitien et de feindre l'indécision une nouvelle fois :

— Je... OK, je pense que je vais prendre cela. Euh donc pour l'entrée je vais choisir... Ah non l'apéritif d'abord, c'est vrai ! s'exclama le jeune homme en faisant glisser son doigt le long de la carte des vins.

Ange donna rapidement un coup d'œil vers le chronomètre de son portable puis échangea un regard complice avec son ami. Il ne lui restait plus que quelques secondes avant d'avoir battu son record de la dernière fois. Il pourrait ensuite désigner l'homme qui se tenait à ses côtés comme étant la personne la plus patiente qu'il n'eut jamais rencontrée.

— Je crois que je vais opter pour un Sex On The Beach. Ouah ça fait super longtemps que j'en ai pas pris, tu te souviens de la dernière fois Fab ? C'était quand... le jeune homme s'interrompit en voyant le professionnel peiner à retenir une forte expiration agacée. Bon et pour l'entrée je vais prendre une terrine aux noix de Saint-Jacques. Oh quoique attendez, vous avez des salades composées aussi à ce que je vois !

— Écoutez, lança le serveur en lui offrant un sourire respectueux bien que cette marque de politesse ne parut pas aussi sincère que le souhaitait son destinateur, je pense que je vais vous laisser réfléchir quelques minutes de plus.

Le doigt posé sur son cellulaire, le jeune homme grimaça puis regarda l'homme s'éloigner, le dos visiblement tendu d'irritation.

— Alors ? demanda son ami en se penchant légèrement pour voir le score. Oh merde, cinq secondes supplémentaires et c'était dans la boite !

Sa phrase plomba le moral d'Ange. Ce dernier eut soudainement l'impression que le ciel lui tombait sur les épaules. Certains de ses amis trouvaient ses petits défis immatures, mais lui y vouait un intérêt particulier.

— Ouais, souffla-t-il.

Cette fois-ci, lorsque le presque-vainqueur de son concours de patience improvisé revint à leur table, Ange n'usa pas du temps du serveur comme précédemment et commanda le plat qu'il avait sélectionné quinze bonnes minutes plus tôt. Après tout, il commençait à se faire tard et il préférait être en forme pour la journée de demain.

***

Lorsque les deux amis de longues dates quittèrent le restaurant, ils avaient le ventre rempli de la bonne gastronomie régionale, le corps réchauffé par la douce température estivale et le cœur brûlant de souvenirs partagés durant le repas.

— La prochaine facturation c'est pour toi, vieux ! déclara Fabrice avant de s'engager sur le trottoir, éclairé par les lampadaires.

Les mains dans les poches de son bermuda cargo bordeaux, Ange hocha la tête. Ils venaient tout juste d'arriver sur la côte méditerranéenne (en milieu d'après-midi plus exactement), mais son ami avait déjà claqué tout son argent dans la bouffe. Malgré ce fait, Fabrice comme lui pouvait assurer que ce début de vacances promettait deux superbes semaines de décontraction à découvrir la mer et ses beaux environs.

— Heureusement que tu m'as écouté sinon t'imagines un peu ? Nous aurions dû nous taper la tente à notre retour. Bien que maintenant que j'y pense, la tienne n'est pas si mal que ça, rigola-t-il en se jouant du double sens du mot.

Le concerné roula des yeux. Habitué à l'humour douteux de son ami, il se contenta de lui adresser un regard exténué.

— Tu ne peux pas profiter de ces quelques jours pour mettre un bémol à tes phrases à deux balles ? souffla-t-il avant de déverrouiller sa voiture.

— Impossible, tu sais comme moi qu'elles te manqueraient mes fameuses phrases à deux balles ! répliqua-t-il en ouvrant la portière du véhicule de son ami.

Fabrice prit place derrière son volant puis soupira. Ange avait raison. Ses répliques de lourdingue lui avaient toujours plu. Quand il traînait avec le blond, il n'avait plus besoin de se soucier du regard des autres, en particulier de ceux de sa famille qui voulait faire de lui un parfait fils à papa.

Le jeune homme était l'opposé de ce que ses proches adulaient et c'était justement cela qui lui donnait l'impression d'être un étalon retourné à l'état sauvage à chaque fois qu'il était en présence du clown qui lui servait de meilleur ami. Cette sensation était divine. Ange lui permettait de goûter à un autre monde, celui qui normalement lui était interdit par ses proches.

— Someone told me, always say what's on your mind, chantonna le jeune homme en remuant des épaules.

Telle une pile électrique, Ange dansa en faisant des gestes honteux puis offrit une grimace disgracieuse à Fab avant d'éclater de rire.

— Tu as bien fait d'annuler ta demande d'inscription en cours de chant il y a trois ans. Tu aurais causé un arrêt cardiaque à toutes les personnes qui auraient entendu ta voix de merde, pouffa ce dernier avant de s'engager sur le parking.

Cette idée de leçon vocale était partie d'un pari, une fois de plus, mais avait failli aboutir, avant que le jeune homme ne voie les tarifs. Comment pouvait-on demander le prix d'un loyer pour quelques petits conseils d'utilisation de cordes vocales ?

— C'est sûr qu'un si grand talent ça remue ! jugea bon d'ajouter l'ex-apprenti chanteur avant d'exploser de rire, une nouvelle fois.

Fabrice secoua la tête pendant que son ami passa la tête par la vitre pour crier que les meilleures vacances de leur vie les attendaient. Et il ne savait pas encore à quel point il avait raison...

Voici le premier chapitre !

Nous rencontrons Ange et son meilleur ami, Fabrice. Dès le départ, on comprend que l'on a affaire à un clown et que le jeune homme peut parfois partir un peu trop loin dans ses délires.

Que pensez-vous des deux amis ?