Chapitre 41 - Couper les ponts

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Septembre

Les yeux dans les yeux, les deux adversaires qui se faisaient face seraient les dents et les poings. La tension était palpable dans la pièce et aux alentours. Un orage imaginaire grondait dans le cœur de chacun.

— Je te préviens Fabrice, si tu passes cette porte, sache que tu seras définitivement banni de cette maison, de la famille et de l'affaire familiale par la même occasion ! s'emporta l'homme qui se tenait face à l'ami d'Ange.

Bien que blessé par les mots de son père, Fabrice garda la tête haute.

— Ne t'en fais pas, je ne compte plus venir.

Le regard à la fois triste et en colère de sa mère lui tordit les boyaux. Malgré les erreurs que ses parents avaient pu commettre à son égard, Fabrice réalisa qu'il y aurait toujours un lien invisible qui les relierait. Et bien qu'il fut chamboulé par la situation, il se força à couper ce fil. Parce qu'il était temps qu'il se libère.

— Fabrice ! s'écria son père tandis qu'il s'élançait dans le long couloir de la demeure. C'est ta dernière chance.

Le jeune homme se retourna pour affronter une dernière fois ce regard qui l'avait fixé avec mépris des années durant.

— Ne t'en fais pas pour ton entreprise, papa, mon cousin Maurice va se faire un plaisir de prendre ma relève.

Fabrice avait passé un grand nombre d'entrevues avec des professionnels du milieu pour s'assurer que son projet était réalisable. En secret, sans en parler à qui que ce soit (même Ange), il s'était assuré de sortir de sa cage dorée.

— Comment oses-tu ? s'énerva son daron.

— Tu ne peux pas me déshériter, mais je peux aisément vendre mes parts à un associé.

Quand on le lui avait annoncé, ça avait tout de suite sonné comme la solution miracle et Fabrice avait sauté sur l'occasion.

— Maurice n'avait qu'une fine part de l'affaire, commenta son père sous le choc.

— Oui, et désormais il passe de 5% à 40%, de quoi te faire redescendre de ton trône.

Fabrice devait le reconnaître, il était ravi. Ravi de se libérer de l'emprise de son père. Et surtout, ravi de pouvoir gagner cette partie d'échec face au grand chef.

— Tu le regretteras, le jour où tu te retrouveras à la rue sans un sous !

Ça, Fab le savait : il allait devoir voler de ses propres ailes. Peut-être allait-il se chier au début, durant des mois, des années, ou bien toute sa vie. Mais au moins, il se chierait car il l'aurait décidé.

Ce fut soulagé et enfin libre que le jeune homme poussa la porte de la maison familiale. Il venait de tourner une nouvelle page et attendait avec impatience de débuter un nouveau chapitre.

***

Quelques heures plus tard, une bière à la main, Fabrice fixait le comptoir du bar devant lui. Le brouhaha à l'arrière ne le gênait pas. Il ne s'agissait que de gens qui profitaient de la vie après tout. C'était juste que tout le monde ne profitait pas de la même manière...

— Tu voulais me parler ?

La voix d'Ange qui venait d'arriver dans le bar fit sursauter Fabrice. Il ne l'avait pas entendu arriver et encore moins vu.

— Ah, te voilà. Vas-y, installe-toi. La tournée est pour moi.

Il fit semblant de ne pas remarquer l'allure de dépravé de son ami. Il se doutait qu'Ange n'avait pas besoin qu'on lui dise qu'avec sa barbe non rasée et son visage de déprimé de la vie, il faisait peur à voir. De toute façon, il se doutait que le patron du blond s'était déjà chargé de le dire.

Baisers salés (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant