Chapitre 4 _ Les grondements de la terre

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Almÿra s'était isolée longtemps, non loin du bord de la falaise, là où elle avait une vue irréprochable sur l'océan. Les secousses répétitives ne l'avaient pas empêché de rester là, assise, à contempler la mer, le ciel, et tout ce qui lui était possible de voir de sa position. Gilnéas était un royaume absolument magnifique à ses yeux, et elle donnerait cher pour pouvoir à nouveau fouler le sol de la capitale qui lui était si précieuse.

Mais sans Arturius... songea-t-elle avec un pincement au cœur.

C'était elle qui l'avait tué. Avant que la Malédiction ne l'emporte, il était venu jusqu'à elle, pour lui venir en aide. Cela lui fut fatal. A présent, elle se souvenait... Elle l'avait attaqué, et laissé pour mort dans cet endroit qu'elle avait tant aimé autrefois...

Lorsqu'Almÿra se décida finalement à revenir à Havre-du-Soir, elle supposa que la nuit était bien avancée. Une nouvelle secousse manqua de l'emporter dans une chute douloureuse, mais elle se retint de justesse.

Qu'est-ce qui provoquent ces tremblements ? se demanda-t-elle avec inquiétude.

Jamais Gilnéas n'avait été la proie de tel phénomène. Cela semblait presque... Surnaturel. Une détermination nouvelle l'envahie subitement ; elle devrait répondre de ses actes pour la mort de son frère aîné, mais jusque là elle devait continuer à protéger cette contrée qu'elle aimait tant. Ces tremblements devaient probablement annoncer quelque chose de terrible, mais quoi ? Elle n'en n'avait aucune idée. Et personne ici ne serait en mesure de le dire non plus.

Lorsque les secousses cessèrent, Almÿra courut aussi vite que ses deux grosses pattes le lui permettaient. Atteignant Havre-du-Soir, elle ralenti le pas, et passa aussi furtivement que possible, par un petit passage discret à côté de l'auberge. Il y avait deux vigils qui gardaient cette entrée, mais elle n'osa cependant pas les saluer. Celui qui se trouvait à sa droite la regarda d'un œil à la fois méfiant et mauvais, avant de chuchoter à son collègue dès qu'elle eut dépassé la ruelle :

- Alors on la laisse passer, comme ça ?

Il semblait indigné. Almÿra ne put s'empêcher de s'arrêter, et de dresser l'oreille pour mieux les entendre. L'ouïe dont elle disposait était incroyablement fine, et rien ne lui échappait. Pas même cette conversation soufflée à voix basse.

- C'est une des créatures de Krennan, lui rétorqua sévèrement son collègue. Ce sont les ordres du Roi !

L'autre ne se risqua pas à en dire davantage. Almÿra soupira longuement. Alors sa vie ressemblerait à cela, désormais ? Des messes basses, des injures soufflées à demi-mot, des regards haineux ? Elle le méritait certainement, mais elle ne pourrait jamais supporter ces horreurs. Savoir qu'elle était condamnée dans ce corps de bête l'anéantissait déjà bien assez...

- Almÿra !

La douce voix de Fäelina ramena la jeune noble à sa cruelle réalité. La Mage se précipita vers elle, toute affolée, et lui fit mille remontrances pour s'être absentée aussi longtemps.

- Nous étions terriblement inquiets, continua-t-elle avec un soupire à demi soulagé. Viens, Aranas t'attend.

- Une minute, l'arrêta aussitôt Almÿra. Vous les avez perçus, n'est-ce pas ? Ces secousses...

- Oui... marmonna Fäelina. Nous ne savons pas à quoi elles sont dues. Aranas pense qu'il ne faut pas s'inquiéter.

Si Almÿra avait pu arquer un sourcil, elle l'aurait fait. A la place, elle jeta un coup d'œil à chaque personne présente sur la place principale de Havre-du-Soir. Aucuns Gilnéens ne semblaient affolés de savoir que le royaume était victime de quelques tremblements de terre. C'était comme s'il s'agissait d'une chose absolument naturel qui ne méritait pas qu'on s'y attarde.

Les Nobles de Gilnéas _ Cataclysme (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant