Chapitre 1 _ Gilnéas sous l'invasion

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La demeure était à demi plongée dans la pénombre, éclairée par quelques bougies seulement. Almÿra était venue à pied jusqu'à la Place des Marchands, comme elle avait coutume de le faire chaque mardi au soir, car Madame de Bellencombre était trop malade et trop fatiguée pour venir d'elle-même. Cela ne dérangeait pas Almÿra. Elle avait l'habitude de ce genre de déplacement. En tant qu'apprentie du chimiste royale de Gilnéas, il était de son devoir d'apporter soutien et réconfort auprès des gilnéens malades et déchirés par la guerre civile, dont la cité souffrait encore malgré les années qui s'étaient écoulées.

- Voilà pour vous... murmura Almÿra en déposant quelques fioles sur la table. Je vous ai ajouté un élixir de ma composition qui vous aidera à trouver le sommeil.

Madame de Bellencombre, les traits tirés par l'épuisement, parvint à sourire aux paroles de la jeune femme. Elle la remercia, d'une voix enrouée et presque inaudible. Almÿra eut un léger pincement au cœur devant l'état de cette pauvre citoyenne, qui semblait empirer de semaine en semaine. Sa santé était pourtant stable. Un jour, elle guérira.

- Vous êtes trop bonne, ma petite, articula-t-elle en s'asseyant sur l'une de ses chaises. Peu de Seigneur accorde autant de pitié que vous envers les gens de notre misérable considération.

- J'appartiens à la noblesse de notre royaume, mais je suis avant tout citoyenne de Gilnéas. Je me dois d'agir en tant que tel.

- Vous êtes brave. Votre mère serait fière de vous, ma petite.

Almÿra esquissa un maigre sourire. Elle n'avait jamais eu le plaisir de connaître sa mère. Elle était morte un an après sa naissance, à cause d'une maladie qui, à l'époque, était incurable. Elle savait cependant qu'elle s'était toujours montrée proche du peuple ; les différences sociales ne signifiaient rien pour elle.

- Je vais devoir vous laisser, Madame. Je vous invite à prendre soin de vous, et n'oubliez pas les restrictions de votre remède. Je repasserais la semaine prochaine.

- Attendez, ma petite... Que je vous raccompagne...

- Non, non. Inutile. Je connais le chemin, merci. Contentez-vous de vous reposer.

La jeune noble s'empressa d'adresser un signe de salut respectable à la vieille citoyenne éreintée, avant de se diriger vers la sortie. Mais, au moment d'empoigner la clenche de la porte, elle s'immobilisa net. Quelque chose n'allait pas. Le soir était tombé... Alors pourquoi entendait-elle d'ici comme le bruit de l'écho d'épées qui s'entrechoquaient ? La peur la gagna rapidement, même son cœur se mit à accélérer en une fraction de seconde en des battements frénétiques incontrôlables. Comme elle ne bougeait plus, la vieille Bellencombre lui demanda si tout allait bien.

- Oui, oui, Madame, ne vous faites aucuns soucis. Restez bien chez vous, d'accord ?

Elle osa ouvrir la porte, avec une légère appréhension, son autre main portée sur sa dague d'argent. Ce qu'elle vit, cependant, la plongea dans une terreur indescriptible. La Place des Marchands, qu'elle avait l'habitude de traverser chaque jour, si tranquille et paisible d'ordinaire, était entièrement envahie. Des monstres... Des créatures humanoïdes semblables à des loups descendaient des toits comme des ombres affamées pour atteindre les pavés froids et humides de la ville. Leurs corps étaient recouverts de fourrures, leurs crocs scintillaient dans la pénombre, et leurs grognements sourds résonnaient assurément dans toute la ville. Les citoyens, apeurés, tentaient de fuir sans vraiment savoir où aller, car la menace envahissait chaque recoin de la Place des Marchands. Les soldats gilnéens se battaient comme ils le pouvaient contre ces envahisseurs aberrants, la lame de leurs épées claquant contre leurs longues griffes acérées.

Les Nobles de Gilnéas _ Cataclysme (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant