Les Nobles de Gilnéas _ Cataclysme (Tome 1)

Chapitre 7 _ La diligence

Almÿra ouvrit péniblement les yeux, le crâne assaillit d'une douleur dont elle n'avait pas l'habitude. Depuis combien de temps avait-elle ainsi sombré dans l'inconscience ? Des heures ? Des jours ? Mais que lui était-il arrivé ? Quelque chose lui était tombé sur la tête ? Non... Elle était tombée sur quelque chose...

- Quel soulagement, tu ouvres enfin les yeux.

La Worgen grogna légèrement, comme lorsqu'on la réveillait trop tôt le matin. Elle secoua lentement la tête, essayant de se remettre les idées en place. Cet énorme séisme lui revint subitement en mémoire et, inquiète, elle regarda tout autour d'elle avant de réaliser qu'elle était dans une diligence en plein mouvement. L'éclat de ses yeux saphirs sembla trahir son désarroi car Fäelina, assise à côté d'elle, émit un léger rire avant de lui expliquer de sa douce voix :

- Nous ne pouvions pas rester à Havre-du-Soir. La ville... Elle a été entièrement envahie sous les flots...

La nouvelle eut l'effet d'un véritable choc. Havre-du-Soir avait disparu ?

- Qu... Quoi... ? marmonna-t-elle difficilement.

- Le Prince Liam a jugé bon de nous enfoncer plus profondément dans les terres, ajouta la jeune Mage avec une pointe de remord. Il... Il nous a tous sauvé.

Le visage animal d'Almÿra se déforma dans une expression de stupeur. Ses oreilles duveteuses s'abaissèrent subitement lorsqu'elle réalisa qu'elle avait perdu de vue l'héritier du royaume en s'évanouissant.

Est-ce qu'il va bien... ? se demanda-t-elle aussitôt.

Mais elle n'osa pas poser la question. Elles n'étaient pas seules, dans cette diligence, et elle trouvait cela mal avenu de s'enquérir ainsi du Prince de Gilnéas. Les autres risquaient de se poser des questions, et cela lui déplaisait fortement.

- Et puis... Le Roi, du haut de son observatoire, a vu venir vers nous d'autres vaisseaux des Réprouvés. Ils étaient accompagnés d'une canonnière de la Horde.

- Des Orcs, cracha Almÿra avec colère.

- C'est ce que le Roi pense.

Alors ils n'en n'avaient pas terminé avec l'invasion des Réprouvés. Et avec la nature qui se soulevait contre leur nation... C'était à se demander si tout n'était pas lié. Bien sûr, cela était parfaitement impossible. Mais Almÿra donnerait cher pour savoir ce qui avait provoqué ce déluge qui avait détruit Havre-du-Soir, et si les autres Régions étaient également touché par les mêmes catastrophes.

- En tout cas, tu m'as fait une belle frayeur, soupira Fäelina avec soulagement.

- Que m'est-il arrivé ? demanda la jeune noble avec une grimace. Je ne crois pas me souvenir de tout...

- Je ne saurais vraiment le dire, avoua la Mage. Tu as sombré dans l'inconscience après avoir heurté un muret, je crois.

Almÿra acquiesça lentement. Cela concordait avec le fait qu'elle ait été projetée violemment en arrière... Mais de là à s'évanouir ? Elle s'était pensée plus coriace que cela.

- C'est le Prince Liam qui t'a transporté jusqu'à la première diligence, raconta Fäelina. Celle où nous nous trouvons actuellement.

- Il... Il a vraiment fait ça ? s'étonna Almÿra tandis que ses yeux rayonnaient d'admiration.

- Il a tenu à s'occuper personnellement de toi, confia la jeune Mage avec un rire léger.

Si elle avait pu rougir, Almÿra était sûre et certaine que son visage tout entier aurait viré au rouge. Elle se sentait à la fois touchée et nerveuse de l'attention du Prince Liam. Pourquoi se donnait-il tant de mal pour elle ? Elle n'avait plus rien de cette apprentie alchimiste qu'il avait toujours connu... Elle n'était plus la même.

La Worgen frissonna, et décida de se vider l'esprit un moment. Profitant d'être bien assise, elle ouvrit la fenêtre de la calèche, et passa sa tête au dehors. La sensation qu'elle ressentit alors lui fit le plus grand bien ; l'air fouettait agréablement son visage, portant à ses narines des odeurs qu'elle prit étonnamment plaisir à humer. Derrière eux, à quelques mètres de distance, elle perçu une autre diligence, conduite par le Prince Liam en personne qu'elle discernait aisément malgré la distance.

Et, encore plus loin derrière eux, ce qu'elle vit la plongea dans une nostalgie qui lui lacéra douloureusement le cœur ; Gilnéas. Leur si belle ville se dessinait, là-bas, si loin, si inaccessible... Auront-ils un jour la chance d'y retourner ? Maintenant, elle en doutait fortement...

Perdue dans ses pensées, Almÿra ne reprit conscience de la réalité que lorsqu'une étrange odeur parvint à ses narines sensibles. C'était quelque chose d'assez nouveau pour elle, cette faculté de pouvoir comprendre le monde autour d'elle seulement via son museau à l'odorat surdéveloppé. Elle mit un certain temps à analyser toutes les différences, et à émettre des hypothèses. Néanmoins, lorsqu'elle se réinstalla dans la diligence, elle fut sûre et certaine de l'identité de la menace qui planait sur eux.

- Quelque chose ne va pas ? demanda Fäelina en remarquant son air affolé.

- Des Ogres, souffla Almÿra.

Fäelina n'eut cependant pas le temps de s'affoler de cette nouvelle peu rassurante ; leur diligence fut soudainement en proie à de violentes secousses. C'était comme si on les attaquait de front... Et les hennissements apeurés des chevaux ne firent que leur confirmer que les Ogres de la montagne étaient descendus en les voyants arriver de loin.

- Attention ! cria Almÿra aussi fort qu'elle le pu.

Mais il était trop tard. La diligence dévia subitement de la route, et tomba à la renverse sous les assauts incessants des Ogres, roulant brutalement jusqu'à s'enfoncer plus loin dans le marais, à la merci des créatures affamées qui vivaient là.