Chapitre 6 _ L'œil du Chasseur

11 3 0
                                    

Honneur et confiance ! C'est de cela que l'Alliance a besoin, et non de ces bêtes qui étaient dépourvues de ces deux qualités quand elles se faisaient encore passer pour des hommes !

Les mots de Varian, prononcés à la fin du sommet, furent difficiles à digérer. Les espoirs d'Almÿra s'étaient subitement envolés, comme si ces paroles rapportées avaient achevé de la sceller. Des alliés ? Elle était seule. Un foyer ? Comment vivre et prospérer à Darnassus après cette humiliation ?

Partir. C'était la seule chose qu'elle avait à l'esprit, dorénavant.

Quitter Darnassus, et retrouver Morganis Sombreveine.

Bien sûr, elle ne comptait pas partir sans Fäelina... La jeune Mage était bien capable de la poursuivre pour lui tirer les oreilles si jamais elle s'en allait sans elle.

Attendons encore un peu, lui avait supplié Fäelina lorsqu'elles furent seules après le sommet. Attendons que notre Roi prenne une décision.

Almÿra ne savait pas trop si elle en avait vraiment envie. Mais elle avait accepté, non sans l'avoir regretté aussitôt. D'ailleurs, elle le regrettait toujours.

Assise à l'ombre d'un arbre darnassien, la jeune gilnéenne profitait paisiblement de l'air nocturne. S'accordant un instant de détente, elle ferma les yeux, et laissa son esprit vagabonder. Ce fut une erreur dont elle ne prit pas immédiatement conscience. Les images de Gilnéas traversèrent sa mémoire, lui donnant l'impression que l'imposante cité se dressait devant elle. La vision de Liam lui arracha un cri de surprise. Alors seulement elle rouvrit les yeux, à demi effrayée. Le ruban rouge du défunt héritier était enroulé à son poignet. Machinalement, elle le serra contre elle, laissant une vague de chaleur réconfortante l'envahir.

N'oublie jamais que je ne serais guère loin de toi.

Elle y veillait personnellement. Jamais elle ne se séparait de ce précieux ruban de soi. Parfois, elle rêvait à la vie qu'elle ne pouvait plus avoir... Cela lui causait beaucoup de chagrin, mais, d'une certaine manière, cela lui donnait également l'impression que Liam était encore là, avec elle... Quelque part...

N'y tenant plus, Almÿra se décida à se lever. Elle avait besoin de bouger. N'importe où. Loin. Elle observa un moment la forêt qui s'étendait, et un terrible instinct primal la supplia au plus profond d'elle...

- Non ! se résigna-t-elle sèchement.

Cette envie de courir, de chasser, de traquer... Non, ce n'était pas elle. C'était l'autre. C'était la bête, la Worgen... Mais... N'était-ce pas ce qu'elle était, finalement ? Une Worgen.

- Ou bien un pauvre petit chiot, marmonna-t-elle en se renfrognant.

Elle enragea. Les paroles de Varian la hantaient, encore et encore ! Elle ne devrait pas y accorder autant d'importance, et pourtant ! Cela commençait à l'agacer.

- Nous vivons des heures sombres, déclara une voix derrière elle. Les ressens-tu ?

Almÿra tiqua, mais ne se retourna pas. Néanmoins, elle se détendit totalement, soulagée d'entendre cette voix, même à une heure aussi tardive. Car Elendril était malgré elle devenu un être cher à son cœur ; un Elfe sensible, dont la froideur coïncidait avec son esprit meurtrit. Il s'était montré présent pour elle dans ces instants les plus terribles, sans pour autant s'immiscer dans sa vie personnelle ; il assurait une présence discrète et respectueuse de sa douleur. Et, naturellement, elle s'était mise à l'apprécier, et à le considérer comme un ami de confiance.

- Aile de Mort ? hasarda-t-elle en haussant les épaules.

C'était Aile de Mort qui avait ravagé Azeroth, qui avait provoqué ce monstrueux Cataclysme, et qui était par conséquent indirectement responsable de l'incursion des Réprouvés sur les terres gilnéennes... Et qui pouvait savoir quand il frapperait de nouveau. C'était donc tout naturellement à ce dragon noir gigantesque qu'elle avait pensé en premier lieu lorsqu'Elendril lui avait posé la question.

Les Nobles de Gilnéas _ Cataclysme (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant