Chapitre 16

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Un toucher frais effleura mes doigts posés sur ma cuisse, et les lèvres de Maestro glissèrent contre ma tempe pour l'embrasser tendrement. Ivana nous observa attentivement, de ce regard de scanner qui me fit frémir. J'étais coincée entre deux créatures sublimes, deux êtres surhumains à la jeunesse figée dans le temps dont je ne connaissais même pas la nature. Un léger accès de panique m'étreignit la gorge lorsque je pris la mesure de leurs prunelles rivées sur moi: qu'allais-je entendre ce soir, comment allais-je finir?

-C'est fou ce qu'elle à l'air rassurée, ironisa Ivana de sa voix mielleuse. Qu'as-tu bien pu faire devant elle pour la mettre dans cet état là?

-Mais rien du tout!, se défendit Maestro. Ollie est juste une femme très douce, un trait de caractère dont tu es ignorante.

Ivana lui balança son couteau qui atterrit par-dessus l'épaule de Maestro avec un bruit d'inox aigu. Il lui adressa un regard victorieux, et sa cousine le foudroya de ses yeux clairs.

-Elle est bien trop douce pour un nigaud de ton genre, oui, cingla-t-elle en plissant son petit nez. Bon revenons à nos moutons ma chérie, dit-elle en se penchant vers moi. Que ressens-tu pour Mickowiczsch?

-Pour...Mi... quoi?, répétai-je surprise.

-Elle me surnomme ainsi depuis la naissance, grommela Maestro.

En vérité, je tentais de gagner du temps. Je n'avais pas encore l'aplomb pour me mettre à bavarder gaiement sur mes sentiments pour le Maître, encore moins entourée de deux êtres surnaturels. Ivana planta ses iris dans les miennes, provoquant de nouveau en moi cette sorte de frisson étrange qui n'était pas lié à de la peur, ni à du désir, mais plutôt à une espèce de réaction instinctive. L'image d'un lièvre coincé entre les pattes d'un renard affamé traversa furtivement mon esprit.

-N'aies pas peur, chuchota Maestro près de mon oreille. Je peux aller dans une autre pièce si tu veux.

-Non, puisque ton discours va dépendre de sa réponse, rouspéta Ivana.

-Tu as pensé au fait qu'elle pourrait être gênée ou timide?, répliqua Maestro avec agacement.

-Ca va, dis-je d'une petite voix, tu peux rester.

Ses iris ocre me caressèrent sous ses cils. Lorsque mon coeur bondit, je crus voir les lèvres de Ivana frémir et contenir un sourire.

-J'apprécie beaucoup Maestro, dis-je avec une grimace lorsque ma voix résonna dans la maison silencieuse. Je n'ai jamais été réticente à sa présence à Normal Valley, je crois d'ailleurs être la seule avec les enfants à l'avoir toujours défendu.

-L'avais tu déjà rencontré avant de décider de prendre sa défense?, questionna Ivana d'un oeil intéressé.

-Euh... eh bien non, répondis-je étonnée. C'est mal?

Maestro effleura ma cuisse.

-Au contraire, dit-il tendrement.

-Cet idiot de Randon je suppose, soupira Ivana.

-Lui-même!, répondis-je hésitante. Tu le connais?

-Ses arrières-arrières grand-parents, oui, siffla-t-elle avec une grimace furieuse. Des êtres humains, certes, mais pourris jusqu'à la moëlle.

Ca se tenait, puisqu'ils avaient vécu au dix-huitième siècle. Alors Randon avait déjà de la famille à Normal Valley? Curieusement, j'eus une once de compréhension à son égard, dans le sens où les appartenances à certaines terres suscitaient déjà des conflits à l'époque. Si Ivana connaissait ses arrières-arrières grands-parents, cela signifiait qu'ils devaient déjà être en dualité familiale. C'était à peine croyable.

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