Chapitre 23

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-Attention les yeux!

Je plissai les paupières lorsque Maestro se retourna pour attraper les lourds rideaux de velours vert sombre qu'il tira pour laisser passer la lumière du jour. Les rayons du soleil s'infiltrant dans la pièce rendirent visible toute la poussière qui flottait dans l'air, jonchait les meubles et s'accrochait dans la masse de toiles d'araignées amoncelées au fil des ans. Avec un soupir satisfait, le Maître de Someplace Else pivota dans ma direction, ses sourcils se haussèrent et un petit sourire entendu étira ses lèvres ourlées.

-Bon, eh bien nous y sommes, lâcha-t-il dans un souffle. Ce n'est pas vraiment dans ce contexte que j'aurais souhaité passer ma journée de retrouvailles avec toi, mais puisqu'on n'à pas le choix...

-On à toute la nuit pour ça, dis-je d'un air évasif en contemplant le salon de thé ancien d'un oeil inquiet.

Maestro s'avança vers moi de son pas silencieux, une main levée, doigts tendus, et il effleura ma joue tendrement. Sa main libre glissa sur le bas de mon dos, m'attirant contre son torse froid.

-Tu as peur, dit-il doucement. Je le vois dans tes yeux.

-J'ai l'impression que quelqu'un va se matérialiser sans crier gare, dis-je en contemplant la pièce. Ou surgir d'un des meubles.

-Tant que je suis là, tout ira bien, me rassura-t-il. Je te protègerais.

Il eut un geste involontaire vers la poche de son pantalon dans lequel il avait rangé le médaillon, mais il se reprit lorsqu'il vit que je fixais ses doigts à la blancheur neigeuse. Je n'avais pas changé de regard sur le bijou, mais Maestro semblait le considérer comme un indicateur de la situation actuelle. Puisque le pétale semblait de nouveau gonflé d'énergie, Maestro se comportait avec beaucoup plus de légèreté, et son attitude enjouée ne décroissait pas. Nous avions déjeuné en conversant avec animation sur le reste des jours à venir, et il n'avait paru inquiet que lorsque j'avais mentionné le travail qui nous attendait dans les pièces qu'il désertait depuis la mort de sa mère.

-Tout ira bien pour toi?, interrogeai-je en levant une main contre son dos.

-Je suis un peu plus rassuré à l'idée de t'avoir près de moi, avoua-t-il d'une voix plus douce.

-Je ne peux pas te protéger des menaces potentielles, tu sais?, souris-je.

-Non, mais tu me donnes du courage, sourit-il en se penchant vers moi. Et pas que.

Ses lèvres ondulèrent à la surface de ma bouche avant de s'y souder avec une langueur qui me donna le vertige, et il eut un rire aigu en glissant ses mains contre mes omoplates pour me redresser lorsque je penchai vers l'arrière.

-C'est moi qui suis ta principale menace, on dirait.

-Bon, au boulot, grognai-je en me dégageant pour me tourner vers une armoire au bois gonflé par l'humidité. Que cherche-t-on?

-Des écrits, des photos, tout support qui nous apporterait du concret, dit-il en avançant vers une commode qu'il ouvrit d'un coup sec.

Je fis de même en attrapant les poignets rondes de l'armoire épaisse, et je dus m'y reprendre à plusieurs fois pour que le bois usé cède sous la pression dans un grincement sinistre qui me fit serrer les dents. A l'intérieur, de nombreuses planches avaient été retirées, et il ne restait que des tasses ébréchées, des pots d'argent rouillés et des bocaux au contenu noirci, ce qui relevait de la normale pour un salon de thé laissé a l'abandon, en somme.

-Rien ici, dis-je en refermant les portes pour me tourner vers Maestro.

-Ici non plus, répondit-il les bras croisés sur son torse.

My Ghosts StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant