Chapitre 25

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Il était stupéfiant de constater que malgré le lot de découvertes abracadabrantes que j'avais faites depuis ces derniers mois, une simple paire d'yeux avait réussi à me paralyser de frayeur. Mon corps ne me répondait plus, mes lèvres entrouvertes s'asséchaient au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, je n'étais même plus en mesure de cligner des yeux, ces derniers étant rivés sur les deux cercles dorés rivés sur moi. Mon coeur me brûlait tant il pulsait violemment sous les assauts de terreur qui ondulaient de mes orteils jusqu'à la racine de mes cheveux, rendant mon sang aussi glacé que si j'avais été plongée sous un étang gelé. Intérieurement, je ne pus que me maudire de m'être aventurée seule dans des pièces condamnées par le Maître, et j'eus une pensée pour le nombre de fautes accumulées depuis que j'avais fait sa rencontre. C'était presque comme si j'avais été destiné à accumuler les erreurs. Le froid ambiant n'arrangeait rien à mon état, et je sentis la caresse froide de l'air ambiant glisser sur ma peau. La matinée d'Octobre n'était pas très agréable, l'humidité du dehors se mélangeait à la morsure glaciale des températures en chute libre, et j'eus une pensée pour celui qui avait laissé la fenêtre de la pièce ouverte. Mes yeux se relevèrent alors vers le plafond pour scruter le velux entrouvert quand un bruit étouffé me stoppa net dans mon mouvement. Il sonna étrangement familier à mes oreilles, et je sentis mes sourcils se froncer d'eux-mêmes, emprunte d'un calme anormal. Où avais-je bien pu entendre pareil frottement? On eut dit qu'une pile de minuscules feuillets s'agitait dans tous les sens. Je plissai les yeux pour tenter d'apercevoir quelque-chose, le nez en avant, et une ombre gigantesque se rua sur moi en lâchant un cri perçant qui fit bondir mon coeur hors de ma cage thoracique. Des ailes immenses battaient furieusement, un corps parsemé de plumes grisâtres s'envola au-dessus de ma tête, et le volatile se mit à foncer dans les murs à la manière d'une mouche qui aurait tenté de retrouver l'embrasure de la fenêtre par laquelle elle venait d'entrer. Le souffle coupé, j'observais la chouette apeurée en sentant les rouages de mon cerveau se remettre en marche, un soulagement muet rendant de nouveau possible la circulation correcte de mon sang dans mes veines. La fenêtre ouverte depuis plusieurs jours déjà avait dû attirer l'animal qui, à présent pris au piège, avait tenté d'élire domicile dans le Manoir. Malheureusement pour elle, les proies étaient rares au sein de la demeure, elle devait mourir de faim et la fenêtre entrouverte devait être inatteignable pour des ailes si grandes. J'eus un soupir en avançant vers le velux que j'ouvris en grand, inondant ainsi de lumière la pièce à l'odeur de renfermé persistante, puis je me collais contre le mur pour laisser la chouette s'échapper par l'ouverture donnant sur le ciel gris clair. Mes yeux glissèrent sur le portant stationné juste au-dessous recouvert d'un gros draps de tissu blanc épais, et je me sentis complètement idiote. Ce que j'avais pris pour une menace sourde m'observant dans les ténèbres s'avérait être une chouette postée sur un mannequin recouvert d'un drap. Tout en suivant du regard l'envolée de l'oiseau, j'eus un soupir épuisé. C'était un scénario digne des navets les plus ridicules du cinéma d'horreur, et j'en avais été la dinde stupide trop écervelée pour déceler le pan grotesque de la situation. Je refermais la fenêtre sur la pointe des pieds puis je fis demi-tour dans l'obscurité retombée, les mains en avant afin de m'éviter une chute surprise. Mes mains rencontrèrent une surface de bois abîmé gonflé d'humidité que je tentais de repousser, mais j'entendis un grincement significatif lorsque il bascula en arrière. Je voulus me pencher en avant pour comprendre ce qui se tramait, et mes doigts effleurèrent des planches de bois assemblées en une forme rectangulaire, un coffre probablement. Le contenu avait dû se déverser sur le sol et j'eus une pensée ennuyée pour Ivanna et Maestro: je n'avais rien à faire ici, hors de question de laisser des indices témoignant de mon passage. Je m'agenouillais afin d'effleurer le sol et les objets éventuels qui le jonchaient, mais mes mains ne rencontrèrent qu'une surface rugueuse qui se releva légèrement lorsque mes doigts la poussèrent en avant. Je sentis des pages glisser lorsque mes doigts retombèrent, il devait s'agir d'un bouquin ancien. La mâle étant imposante, je ne comprenais pas réellement pourquoi il avait été si capital de l'enfermer à l'intérieur. Après quelques secondes d'hésitation, je m'emparais du bouquin en tendant la main pour remettre le coffre bien droit et en refermer le couvercle, puis je tâtonnais de nouveau jusqu'au mur pour retrouver la porte et tourner la poignée ronde avec un soupir de soulagement. La lumière du couloir me fit plisser les yeux après tout ce temps passé à lambiner dans le noir, je dus appuyer mes doigts derrière mes paupières closes pour atténuer la douleur lancinante, puis je clignais des yeux en avançant dans le couloir, la main refermée autour du volume trouvé dans le grenier. Tout en descendant les marches menant à l'étage inférieur où se trouvait ma chambre, je jetais un oeil sur le bouquin. La couverture était épaisse, d'un rouge vif tâché à plusieurs endroits par l'humidité, et il dégageait une odeur désagréable au premier abord. Je l'ouvris au hasard sur des pages jaunâtres recouvertes d'une écriture très serrée et penchée, identique de celles que l'on peut retrouver sur d'anciens cahiers de reliquaires, de cette calligraphie ancienne qui ne laissait que très peu de doutes quand à l'origine de son auteur. Je fis irruption dans ma chambre déserte en feuilletant rapidement les pages criblées de paragraphes entiers griffonnés dans une espèce de hâte manifeste. Je m'étais attendue à une langue étrangère compte tenue des origines de Maestro, mais les mots étaient bien rédigés en anglais.

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