Chapitre 18

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J'étais seule. Il faisait noir, la ruelle à l'odeur pestilentielle dans laquelle je me trouvais n'était éclairée que par quelques néons grésillant devant des boutiques fermées pour la nuit, et chaque bruit se répercutait en écho dans le silence sourd environnant. Avec un frisson violent qui me secoua de la tête aux pieds, je me rendis compte que je me trouvais en tenue de soirée, vêtue d'une longue robe de velours pourpre, mais je ne portais que des collants noir par-dessous, mes pieds gisaient dans les flaques d'eau glacée. Je n'étais pas chaussée, et je ne pouvais me réchauffer qu'avec mes bras, car je n'avais même pas de manteau. En tournant la tête pour observer les environs, je vis un mur de briques juste derrière moi, et mon coeur tressauta lorsque je réalisais que je me trouvais en fait dans un cul-de-sac, au bout d'une rue déserte, encerclée par des briques et des pavés sales. J'avais beau fouiller mes souvenirs, aucun indice ne m'aida à comprendre comment j'avais pu me retrouver là, et mes entrailles se glacèrent lorsque j'entendis une voix scander mon prénom avec une impatience qui me donna la nausée. Des pas se firent entendre au loin, leur bruit régulier se répercuta en écho jusqu'à l'endroit où je me trouvais, et la panique sourde qui m'étreignit la gorge envoya cogner mon coeur dans ma poitrine. Je n'arrivais plus à distinguer les contours des choses qui m'encadraient, mais je vis soudain une forme encapuchonnée se tenir devant moi. Elle n'avait pas de taille définissable, je ne parvenais pas à déterminer si elle était plus grande ou plus petite que moi, mais elle se tenait là, a trois mètres de moi, la nuque courbée, le visage invisible, assombri par les plis de la sorte de cape qui la recouvrait. L'un des néons derrière l'individu explosa soudain en une multitudes de morceaux lumineux, la détonation me fit sursauter vigoureusement, rendant mon coeur aussi lourd qu'une pierre, mais la silhouette face à moi n'esquissa pas le moindre mouvement. Elle s'approcha de moi lentement, et je voulus faire un pas vers l'arrière mais mon corps resta figé dans sa position tendue. Je vis avec horreur des pieds sales et squelettiques fouler le sol, et une main semblable à celle d'un squelette se tendit pour se refermer autour de mon poignet avec une légèreté qui me souleva le coeur. Son toucher était à la fois brûlant, à la fois crépitant, et une douleur sourde enveloppa tout mon avant bras lorsque le capuchon se redressa légèrement face à mon visage. Une odeur de pourriture m'assaillit les narines quand deux iris d'un bleu brillant percèrent les ténèbres, et sous leur lueur fantomatique, je vis des lèvres ourlées peintes de rouge s'agitant sur une dentition pointue à l'haleine fétide. Quand elle me hurla au visage dans un gargouillis incompréhensible, un cri d'effroi m'échappa, déchirant, vrillant mes tympans endoloris.

-OLLIE!

J'ouvris les yeux dans un sursaut qui me propulsa en avant, mais deux mains me rattrapèrent les épaules avec agilité. Le plaid qui me recouvrait avait été jetée au sol, le livre que je lisais avant de tomber endormie était posé en équilibre sur mon bassin, et mes jambes étaient toujours étalées dans le grand canapé du salon plongé dans la pénombre. Maestro se tenait assis près de moi, son gros manteau noir toujours posé sur ses épaules, et son chapeau était tombé dans son dos et gisait à présent au sol, près du plaid gris. A la faible lueur filtrant entre les rideaux clos, je vis son visage tordu par l'inquiétude. Le voir en chair et en os après l'horreur que je venais de vivre en rêve me fit l'effet d'un calmant, et j'enroulais mes bras autour de sa nuque avec un soupir soulagé. Son odeur était incroyable.

-Encore un cauchemar, observa Maestro en entourant ma taille de ses bras. C'est la troisième fois en deux jours.

-Tout va bien, dis-je haletante. Je t'assure.

Tout va bien? » répéta-t-il agacé. Ollie, depuis notre arrivée, tu fais des cauchemars dès que tu t'endors. C'est terminé, je ne te lâcherais plus d'une semelle. Ivana continuera les recherches sans moi.

My Ghosts StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant