Chapitre 22

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Mes yeux scrutaient fixement le bijou pendu à ses doigts, et je sentis un goût métallique contre ma langue lorsqu'une terreur sourde vint me nouer les entrailles. J'avais développé une peur panique pour le bijou ancestral que m'avait offert maestro quelques mois auparavant, il me reliait indubitablement à la noirceur qui émanait du souvenir de sa mère, et je portais toujours une cicatrice cuisante à l'endroit où il s'était embrasé contre ma peau. Maestro referma ses doigts autour du pendentif en soupirant, et son bras retomba contre sa hanche en souplesse.

-Pardonnes-moi, dit-il. J'avais oublié qu'il t'effraie à ce point.

-Ca ne fait rien, répondis-je. Mais que se passe-t-il?

-Depuis combien de temps nous sommes-nous perdus de vue?

Il posa sur moi un regard pénétrant qui me força à baisser les yeux vers mes chaussures. J'avais eu l'occasion de me promener trois fois à travers le marché du Dimanche, ce qui laissait entendre que nous avions passé trois semaines sans nous donner une seule nouvelle. Storm s'était allongé à mes pieds, la gueule ouverte, sa grande langue rose pendouillant contre son menton. Il poussa un petit gémissement curieux lorsqu'il vit que je le regardais, puis il se remit debout pour appuyer sa grosse tête aux longs poils contre ma hanche.

-Trois semaines, lâchai-je en caressant les grandes oreilles du chien loup.

-Je vois, marmonna Maestro en dénouant légèrement ses doigts autour du collier. Ca explique quelques petites choses.

-Quelles choses?, demandai-je en jetant un coup d'oeil peu amène au pendentif doré.

Maestro ne répondit pas immédiatement. Il eut une moue de travers, les yeux plissés lorsqu'il contempla le bijou, puis il le fit sautiller dans sa paume avant de le fourrer dans sa poche de pantalon. Il pivota ensuite sur lui-même pour jeter un regard circulaire à la pèce, et il rejoint le canapé à grandes enjambées, Storm sur les talons. Je le suivis en fronçant les sourcils. Que pouvait-il bien être arrivé pour forcer Maestro à faire toute la route jusque chez moi et m'y attendre pendant des heures?

-On commence à s'apprécier, dit-il en caressant l'échine de Storm.

-Tant mieux, marmonnai-je en m'asseyant à son côté. Maestro...

Il tourna son visage blafard vers moi, et ses prunelles vrillèrent les miennes de leur regard dévastateur presque immédiatement. Ses iris ondoyaient sous un ocre chaud qui fit fondre mon coeur entre mes côtes, et ses longs cils battirent lentement, projetant des ombres sur ses joues pâles. Ainsi près de lui, je sentis les effluves de sa peau découverte par son col déboutonné, la fragrance fleurie et sucrée qui émanait de sa gorge me mit l'eau à la bouche, et je le vis passer ses dents par-dessus sa lèvre inférieure lorsque nos regards s'accrochèrent.

-J'apprécie tout particulièrement ta façon de prononcer mon nom, dit-il d'une voix de gorge qui fit bondir mon coeur. Qu'y a-t-il, Ollie?

-Je... euh...

Ses lèvres se courbèrent en un sourire séduisant lorsqu'il me vit complètement déboussolée. Maestro leva sa main libre pour la déposer contre mon visage, et il se pencha en avant sans me quitter des yeux, mais mon instinct me poussa à l'empêcher d'aller jusqu'au bout de son intention. Je tenais à rester lucide, l'embrasser ferait voler en éclat le peu d'attention qu'il me restait.

-Qu'est-ce que ça explique, ce délai de séparation?, dis-je précipitamment.

Il s'était stoppé à quelques centimètres de mon visage, et ses sourcils tressautèrent légèrement. Maestro plissa les yeux en scrutant ma mine inquisitrice, et ses doigts quittèrent ma joue pour glisser contre la poche de son pantalon noir.

My Ghosts StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant