Chapitre 15

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-Je suis là, ce n'était pas l'appel que j'attendais, mais Ivana va enfin pouvoir passer une soirée avec nous. Enfin, uniquement si tu... Ollie?

J'étais complètement sonnée. Mes yeux relisaient en boucle la légende de la photo, détaillaient le visage de Maestro enfant, ses yeux expressifs, sa mère au visage sévère et je dus me rendre à l'évidence: mes yeux ne me jouaient pas de mauvais tour. Il s'agissait bel et bien de la famille de Maestro. La page que je tenais entre les doigts s'obscurcit soudain, et je sentis le parfum floral de Maestro lorsqu'il s'accroupit devant moi. Rien n'y faisait, je ne parvenais pas à détacher mes yeux de la photographie ancienne. Sans réaction de ma part, j'entrevis sa main s'emparer du bouquin qu'il referma derrière lui, puis il se tint devant moi, ses grandes iris brunes sondant les miennes d'un air inquiet.

-Ollie?

Je consentis enfin à lever le nez vers lui et cesser de contempler mes cuisses, et son visage anxieux m'apparût enfin.

-Que t'arrive-t-il?, me demanda-t-il en glissant ses doigts sous mon menton.

-Maestro?, lançai-je subitement.

-Oui?

-Quel âge as-tu?, soufflai-je.

-Trente-six ans, répondit-il en levant les sourcils.

-Depuis combien de temps?

Il ne répondit pas. Le coeur battant, je tentais de déchiffrer l'expression impassible de son visage, et j'eus soudain conscience de la dangerosité de la situation. Je savais au fond de moi que quelque-chose d'étrange entourait Maestro, je le sentais au plus profond de mon être à chaque fois que ses yeux surnaturels s'emparaient des miens, dès que sa présence m'entourait de ce velours anesthésiant qui me réduisait à un état végétatif tourneboulé. Son visage de porcelaine se fendit alors d'un sourire serein, et il passa une main pâle contre ses cheveux attachés vers l'arrière.

-Depuis trop longtemps pour que je m'en souvienne, lâcha-t-il en s'esclaffant.

Je méditai sa réponse en sentant mes mains se couvrir de sueur. Il ne niait même pas que quelque-chose d'étrange était en train de se passer, et pis: il ne se mettait même pas en colère. S'il était si surnaturel qu'il en avait l'air, il devait vouloir garder le secret le plus longtemps possible, non? Ses mains se levèrent pour se poser en douceur sur mes joues, et ses yeux m'offrirent cette tendresse délicate qui balaya au loin la prétendue colère que j'avais attendue.

-Je te fais peur?, interrogea-t-il d'une voix de velours.

-Je croyais que tu te mettrais en colère, avouai-je hypnotisée par ses prunelles dures.

-Pas contre toi, marmonna-t-il en secouant la tête. J'en suis incapable.

-Vraiment?

Il hocha la tête, et la moue d'adoration qu'il arbora fit vibrer mon sang dans mes veines. Pareille beauté ne pouvait m'être offerte si facilement, c'était à n'y rien comprendre. Etais-je plongée dans un rêve depuis des semaines?

-Ca a l'air de t'étonner, dit-il en se redressant pour s'asseoir près de moi.

-C'est moi qui passe mon temps à m'effondrer devant ta splendeur, dis-je penaude.

Je me repris soudain en secouant la tête. Comment arrivait-il à s'y prendre pour m'embrouiller l'esprit de cette manière? Il devait avoir plus de deux siècles, comment étais-je censée garder mon calme?

-Dix-huitième siècle!, m'écriai-je en sentant ma gorge se serrer. Mais qu'est-ce que tu es exactement?

-Ca devient plus compliqué que je ne l'escomptais, soupira-t-il. Je voulais y aller en douceur, mais...

My Ghosts StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant