Chapitre 10

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Légèrement ballotée, roulée en boule, une douce tiédeur m'enveloppait. Un ronronnement régulier était le seul bruit de fond, et j'avais repris conscience sans ouvrir les yeux. L'esprit embrumé par le sommeil, je tentai de me recomposer les souvenirs de ces dernières heures sans y parvenir. J'eus une pensée fugitive pour mon chien et tendis le bras pour effleurer sa tête aux poils lisses, mais ma main se heurta contre un obstacle difforme. Où pouvais-je bien me trouver? J'avais quitté ma maison pour rejoindre Maestro, mais Randon était venu jusque chez moi. Au souvenir de son regard lubrique, je sentis ma bouche se tordre.

-Vous êtes enfin réveillée?

La voix douce qui fusa dans l'air fût suivie d'un léger contact frais sur mon épaule dénudée. Avec un gémissement, j'entrouvris les paupières et réalisai surprise qu'il faisait sombre, que je me trouvais sur une banquette moelleuse, la tête appuyée sur la cuisse de Maestro. Il m'offrit un sourire lumineux lorsque je levais les yeux vers lui, et j'eus un hoquet en me redressant vivement.

-Mince, excusez-moi, dis-je précipitamment.

-Il n'y à pas de mal, rit-il.

Il tenait un bouquin, un doigt passé sous une page. Derrière la banquette sur laquelle nous nous tenions, des stores bruns étaient tirés au-dessus des fenêtres rondes de l'avion privé qui volait au-dessus de la mer. La mémoire me revint enfin: après avoir passé une semaine dans le Sud des Etats-Unis, nous nous étions envolés pour Panama en fin de soirée. Epuisée, je m'étais assise dans le jet, j'avais fermé les yeux brièvement et visiblement ma sieste s'était muée en un sommeil bien plus lourd que je ne l'avais escompté.

-Nous en sommes encore loin?, interrogeai-je en soulevant un store.

-Non, plus que vingt minutes, répondit Maestro en regardant par le hublot à son tour.

Son épaule frôla la mienne, déclenchant un petit soubresaut dans ma poitrine. Après une semaine à ses côtés, j'avais pensé que mon embarras en sa présence se serait dissipé, ou du moins légèrement apaisé. Or, il semblait qu'il était encore plus ardu qu'avant, et je me surprenais à rêvasser sur lui lorsqu'il donnait des spectacles aux enfants des orphelinats.

Contre tout bon semblant, nos expéditions étaient épuisantes. Nous étions certes accueillis avec chaleur et entourés d'enfants, mais donner la classe et les canaliser tous les jours était une véritable épreuve. Les bambins attachés à nous tenaient à ce que nous prenions nos repas avec eux le midi et le soir, et je finissais par rentrer dans la suite double que nous occupions avec Maestro complètement vidée. Mis à part les petits déjeuners, nous n'avions que très peu de moments seuls à seuls, et cet expédition en avion était la seule qui nous accordât enfin du temps pour deux.

"Du temps pour deux". Mes ruminations me firent rosir, et je détournais la tête de la fenêtre pour m'enfoncer dans le canapé. Je m'exprimais comme s'il avait été à moi, j'allais véritablement devoir refreiner mon entrain.

-Vous pourrez vous reposer dès que nous serons rentrés, je vous le promets, sourit Maestro en m'observant souffler.

-Vous ne paraissez jamais fatigué, grommelai-je. On mange pourtant la même chose?

-Bien-sûr que je mange la même chose.

Il eut un rire comme s'il eut été question d'une plaisanterie à s'en tordre à même le sol, puis il soupira en secouant la tête.

-J'ai l'habitude de ce genre de tournées, dit-il enfin en calant son coude sur le dossier du canapé. Et n'oubliez pas que vous devriez être en vacances, vous poursuivez votre travail annuel, je ne néglige pas votre fatigue.

My Ghosts StoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant