Anormal

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Rappel TW : ce roman entier comporte des scènes pouvant heurter la sensibilité : sexe, drogue, violence, viol, meurtre... Public averti et plus de dix-huit ans uniquement.

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Bon sang, c'est le cas de le dire ! Je jouis instantanément, à l'extérieur de la fille puisque je me suis penché pour déguster le nectar, que je n'aurais jamais dû me refuser. Pourquoi ai-je autant hésité ? La société me rejetait de toute manière. On me considérait comme un être bizarre. Alors, pourquoi respecter certaines mœurs de bienséance, et pas d'autres ? Mon éducation ? Ma crainte de ressentir exactement ce que j'éprouve à l'instant ?

J'en veux plus ! Je sens la vie pénétrer mes cellules, comme un courant électrique qui me mettrait en marche après une longue période où ma batterie était à plat. Debout, le pantalon encore baissé, je me tiens au centre de la pièce, le torse bombé, les poings serrés, tel un conquérant qui vient de gagner des terres. La fille est recroquevillée dans un coin, ses yeux, défoncés par la drogue, écarquillés, prêts à quitter leurs orbites, elle tremble.

Peu m'importe, je n'ai aucun regret. Si. La flaque dans mon parking, c'est à la paille que j'aurais dû l'ingurgiter. Le doigt de l'économe, j'aurais dû le sucer jusqu'à la moelle. Le verre au bar, c'est cul sec que j'aurais dû le boire. La main de Natascha... Non ! Stop ! Qu'est-ce qui me prend ? Je perds le contrôle. J'ai certainement l'air d'un fou à rester planter là, comme si on venait de me faire une piqûre d'adrénaline et que j'allais ouvrir le combat.

Je remonte mon jean. La gamine n'ose plus remuer. Troublé par ma faim, je n'avais pas remarqué à quel point elle est jeune. Peut-être dix-sept ou dix-huit ans. Que peut-il se passer dans la vie d'une adolescente pour qu'elle en arrive à vendre son corps dans des endroits aussi glauques ? Que peut-il se passer dans le vie d'un homme pour qu'il participe à cette ignominie ?

Quelle sorte de monstre suis-je pour m'adonner à de telles pratiques ? L'image de ma mère m'apparaît, son doux sourire, la fierté dans ses yeux. Que dirait-elle si elle me voyait ? Je dois me ressaisir, je ne peux pas être cet homme-là ! Doucement, j'approche de la petite apeurée.

— Désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris. Je ne vais pas te faire de mal OK. Tiens, un petit extra pour me faire pardonner. Garde-le pour toi, c'est notre secret.

Et me voilà parti, filant à travers les couloirs comme si je flottais. Ma décision est prise : je ne remettrai jamais les pieds ici. Une pensée se forme dans mon esprit encore sous les effets de tous ces chamboulements dans ma vie : et si en m'abreuvant de sang je n'avais plus besoin de pomper l'énergie par le sexe ? Est-ce cela que m'expliquait Mickaël ? Je ne suis jamais rassasié, parce que je consomme une nourriture incompatible. Ce n'est probablement pas le bon terme.

Est-ce vraiment le moment de m'interroger sur mon vocabulaire ? Absorber régulièrement ce qu'il me faut pourrait être la clé. La fin de mon comportement, de cette limite légale que je franchis trop souvent. Mon corps bouillonne, j'ai envie de sautiller, de chanter, de... Le creux. Il s'est amoindri. Vraiment. Cette sensation de vide en moi s'est légèrement évaporée, pour laisser place à des projets, des buts, des désirs moins primitifs.

C'est de cette excellente humeur que je gratifie ma colocataire. Installée au comptoir de la cuisine, en tailleur strict, des lunettes noires gigantesques sur le nez, elle me salue à peine, la tête plongée dans son ordinateur. Cela me renvoie quelque temps en arrière, quand ma mère était entrée dans ma chambre alors que j'achevais mon œuvre. Je ne voulais pas être dérangé, ne pas perdre le fil de mon travail, de mes pensées. La bienséance voudrait donc que je fasse de même pour Natascha, non ? Adopter les us et coutumes du commun des mortels n'est pas chose aisée quand on n'en détient pas les réflexes. Je tapote sur mon téléphone, fidèle ami éclaire-moi.