Chapitre 19 - Je ne t'aime plus

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Mon mari est rentré d'un stage de parapente de trois jours. Coup de stress, aucune envie de le voir. Pourtant j'avais préparé une pâte à crêpe. Un bel effort vu mes maigres contributions en ce moment pour tout ce qui concerne la vie à la maison.

Il m'a fièrement montré les photos de son stage, des montagnes, vue de dessus, vue de côté, avec des sapins, sans sapin, des montagnes avec des rochers, avec nuages, sans nuage, ses pieds en premier plan, les suspentes et sa voile en perspective à gauche, à droite, toujours les mêmes montagnes qui se ressemblent toutes, toujours les mêmes photos que je regarde avec politesse. Devant mon attitude d'huître fermée il m'a demandé ce qui n'allait pas. "Je suis fatiguée, je vais me coucher". lui ai-je répondu. Il m'a fait remarquer que je ne m'étais pas excusée depuis le "tu m'emmerdes" de la friteuse.

J'ai pris un petit somnifère, j'ai bien dormi et fait un rêve très étrange. J'étais enceinte, mon fils Max observait le bébé à travers mon ventre, comme à travers une membrane très fine : ses mains, ses doigts, et son visage. C'était une fille. Elle sort de mon ventre je ne sais comment, elle marche déjà, elle a un fort caractère. Je veux l'annoncer mais les gens ne comprennent pas, ils n'avaient pas vu que j'étais enceinte. Et je suis au supermarché, je me rends compte qu'il faudrait acheter des couches, je n'ai aucun matériel pour bébé, je n'avais rien prévu.

Le lendemain soir, assis sur le canapé comme deux petits vieux, à faire semblant de regarder un programme de merde à la télé. Atmosphère glaciale, je suis crispée-tendue-figée, c'est insupportable. Et soudain Fabrice déclare, en fixant toujours l'écran de télé "Je me dis que tu ne m'aimes plus".

Après quelques secondes de silence, je me suis entendue dire : "Oui, je crois que je ne t'aime plus".

Voilà, j'ai lâché le morceau.
J'ai pleuré doucement. Je lui ai dit que je trouvais qu'il était un mec bien, plein de qualités, que je ne trouverai jamais mieux, qu'il n'avait jamais été aussi beau que maintenant mais que je ne supportais plus ses silences, le vide de ses conversations, le désert stérile de notre communication.
J'ai fini par aller me coucher et j'ai plutôt bien dormi.
Lui pas du tout.

Le lendemain matin il m'a dit qu'il pensait sans cesse à ce que je lui avais dit, que je ne l'aimais plus. Que j'étais belle, qu'il aimait me voir rire et sourire, que je le faisais avec les autres mais plus avec lui. Qu'il est désemparé, qu'il n'a personne à qui en parler. Qu'il n'y a plus la complicité d'avant.
Il a raison. Je n'ai pas voulu en remettre une couche, mais j'avais envie de dire "Oui il n'y a plus de complicité parce que je ne t'aime plus."
Puis il est parti au travail, où il doit être au fond du trou.

Je connais cette sensation, j'ai déjà vécu ça...

La femme rose aux coulures - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant