Chapitre 7 - La bombe

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31 août. Le jour se lève et pourtant le temps est figé, kaléidoscope cauchemardesque dans ma tête, je relis les mails, je fouille encore, j'essaie de réfléchir, tout se mélange dans ma tête. Les enfants se réveillent, oui Max je vais faire ton biberon, il faut que je prenne une douche et que je m'habille quand même, qu'est-ce que je vais faire... oui il faut qu'on s'occupe des courses pour la rentrée scolaire... oui Nicolas j'ai lavé ton tee-shirt, il est dans ton placard.... Je tremble comme une feuille, je suis incapable de me concentrer, ça tourne et tourne sans fin dans ma tête, j'ai des vertiges, je m'isole de temps en temps pour empêcher l'explosion, j'arrive à faire semblant, enfin j'essaie...

A midi, déjeuner avec les enfants. Impossible d'avaler quoi que ce soit.

Dès la table débarrassée et Max endormi pour sa sieste, j'appelle Flo. Rien que de penser à ce que je m'apprêtais à lui raconter, j'ai du mal à lancer l'appel. J'arrive à articuler "Flo ? Salut...Tu avais raison... ".

Et je m'effondre en larmes.

Rendez-vous fixé le soir-même au bar le Velvet pour tout lui raconter. C'est un bar moche à l'extérieur et moche à l'intérieur, déco en bois sombre. Planquées dans une sorte d'alcôve à l'écart des gens, nous savons toutes les deux que nous ne venons pas pour rigoler, pas besoin de témoins.

De 21h à 1h du matin je lui raconte tout ce que j'ai trouvé, je pleure, je déverse ma colère, je vomis ma haine, je dégueule des mots crus et vulgaires, j'en mets plein la gueule à Fabrice, qu'est-ce que ça fait du bien. Je suis dans un tel état, tellement dévastée, vidée, hystérique, j'ai besoin de la lucidité de Flo.

Elle m'écoute. Elle a vécu ça. Elle est directive et j'en ai besoin. Elle me briefe à mort : je dois en parler au plus vite à Fabrice, ne pas attendre, surtout pas.

Je rentre à la maison. Il faut bien aller se coucher et dormir. Max a cinq mois, il dort dans notre chambre. Je pleure, j'essaie de pleurer en silence. Je n'arrête pas de pleurer. Trop. Mon mari finit par se réveiller.

- Qu'est ce qu'il y a ?

Je ne réponds pas.

- Mais qu'est ce qu'il y a ? Pourquoi tu pleures ?

- Je ne veux pas t'en parler dans le noir avec Max a côté

- Mais qu'est ce qui se passe ?

Il sent que c'est grave. Je m'assois dans le lit... quelques secondes... et je lance la bombe.

- Tu m'as trompée.

- Mais qu'est-ce qu'il te prend, tu délires ?

Flo m'avait prévenue, il va nier, ne te laisse pas faire.

- J'ai vu tes mails, ne ment pas

- Qu'est-ce que tu racontes ?

Je pleure de plus en plus.

- Tu veux que je te donne des noms ? Betty... Marion...

- Mais qu'est-ce que tu racontes, il ne s'est jamais rien passé avec Marion !

- Tu veux que je te montre les mails de Betty alors ?

Et là, gros silence. Long silence.

- Viens on va en parler dans le salon, dit-il en se levant.

J'ai touché au but. Ça va être la merde.

Nous parlons durant trois heures, jusqu'à 4 ou 5h du matin. Assis autour de la table basse, l'un en face de l'autre, dans l'obscurité et le silence du salon, entourés de tous les objets familiers de notre appartement, de notre vie, à voix basse pour ne pas réveiller les enfants, calmement, froidement. A force de poser des questions, de l'amener sur ce que je sais et d'insister avec colère, j'arrive à lui faire cracher les détails, petit à petit. Mon mari a une gueule de déterré, il doit chier dans son froc et se demander de quoi va être fait l'avenir.

Il me dit qu'il l'a vue trois fois. Trois fois en trois ans mon oeil. A ce moment-là je n'avais pas fait l'analyse de tous les éléments trouvés, mais je suis sûre qu'il l'a vue au moins cinq fois, et je pense que huit ou neuf est plus proche de la réalité. Il me dit qu'il l'a draguée sur un stand au salon du Bourget, qu'ils ne passaient pas la nuit ensemble, qu'elle partait après. Il reconnaît qu'il me mentait au téléphone. Ça s'est terminé car ils n'avaient plus envie de se voir (menteur ?). Ils se sont protégés, elle amenait des préservatifs.

Il refuse de me dire à quoi elle ressemble. Il n'a pas su se retenir, il a succombé à la tentation, c'était plus fort que lui, il ne l'aimait pas. Il trouvait ça excitant. Il avait tout et voulait plus encore, il m'aimait pourtant. Il n'a pensé qu'à lui. Je lui ai dit "les enfants me demandaient : où il est papa ? Il est à Toulouse pour son travail, il rentre demain..." Il trouve cette image horrible et c'est bien fait pour sa gueule.
Comme si je lui donnais l'occasion de gagner un bon point, presque fier, pauvre con, il m'assure que tout ce qu'il a dépensé sur notre compte commun a été remboursé par sa boite en frais de déplacement.

A aucun moment il ne cherche à savoir comment j'ai fait pour découvrir tout ça. Tant mieux car je préfère garder mes armes secrètes, on ne sait jamais, je peux en avoir besoin à nouveau.

Une nuit blanche très noire, impossible de se rendormir après tout ça, épuisée, tétanisée, totalement perdue, recroquevillée, ne pouvant supporter le contact des bras tentant de me réconforter.

Le lendemain il faut bien continuer à vivre.
Il part travailler, nous échangeons par mail.

Fabrice, le 1er septembre

Pauline, mon Amour,
Je te présente mes excuses et te demande de me pardonner pour mon aventure, j'ai conscience de la gravité de cet acte et je comprends ta douleur et celle pour notre couple. Mais notre famille a de solides fondations, toi, Nicolas, Julien, Max, vous êtes les personnes qui comptent le plus au monde pour moi et j'ai besoin de vous pour vivre, alors j'imagine que je vais devoir te fournir les preuves de mon amour et qu'avec du temps je regagnerai ta confiance, même s'il restera toujours une cicatrice.

Pardonne moi.

Je t'aime et j'aime nos garçons.

Fab

Pauline à Fabrice, le 1er septembre

Ton message me fait du bien. Je te crois, mais la douleur est vive. J'ai une grosse boule dans la gorge et l'estomac en mille morceaux...

La femme rose aux coulures - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant