Début janvier.
Je passe la semaine toute seule. Mon mari Fabrice est parti rejoindre notre fils Nicolas (qui est parti en voyage sac à dos) en Egypte pour faire du kitesurf. Il a prévu de lui annoncer le bordel.
Yann est parti en vacances en Australie, le Florian de Tinder est parti parachuter au Maroc.
Pas trop de nouvelles de Fabrice qui évite de me submerger de messages et en profite pour faire un break, aucune nouvelle de Yann malgré la promesse de photos, silence radio de Florian depuis le jour de son départ.
Sur les conseils de mes amies, j'ai pris rendez-vous chez une nouvelle psychothérapeute. Elles m'en parlaient depuis plusieurs semaines de cette Jeanne qu'elles ont vue et dont elles disent beaucoup de bien. J'hésitais, j'attendais, parce que je ne suis pas du genre à m'enfermer dans le narcissisme et la plainte en accusant le monde entier de ma souffrance, envie d'agir plutôt que de m'engluer dans la dissection de mes problèmes.
Mais là je suis bloquée. Le kiné que j'ai vu pour la rééducation de mon bras m'a montré un livre "Dis moi où tu as mal je te dirai pourquoi" de Michel Odoul. Apparemment une bible pour ceux qui sont prêts à entendre ce genre de théorie thérapeutique et j'en fais partie. Nous avons lu ensemble le paragraphe sur la fracture du bras et il a été aussi ébahi que moi : rupture liée à une tension trop forte dans la volonté d'action. Et liée à une valeur masculine parce que c'est le côté gauche. Voilà, mon corps a parlé. On y croit ou pas, peu importe, c'est quand même troublant et ça alimente ma réflexion.
Il faut que j'avance et j'ai besoin d'aide.
Mi janvier, Fabrice est revenu de son séjour en Egypte et je n'avais pas du tout envie qu'il revienne. Il m'agace, il claque les portes. Il n'a pas réussi à parler à Nicolas, pas envie de gâcher sa semaine de kitesurf. Yann est revenu d'Australie et je n'ai pas de nouvelles. Aucun message de Florian. Celui-là je l'oublie.
Je sors de ma troisième séance avec Jeanne. Je l'adore. C'est une femme d'environ soixante-cinq ans, très douce et chaleureuse. Elle reçoit dans une pièce aussi douce et chaleureuse qu'elle, au rez-de-chaussée de sa mignonne maison de ville. Elle s'assoit toujours dans un large fauteuil à oreilles couleur crème, avec son châle sur les épaules et moi en face sur un canapé de la même couleur avec de jolis coussins assortis et une boîte de mouchoirs à portée de main. On a l'impression qu'elle peut à tout moment sortir le chocolat chaud et les madeleines pour nous réconforter.
Elle dit que je suis toute recroquevillée, que je dois respirer et arrêter de culpabiliser avec mes sentiments envers les hommes. Que je dois dire à François (mon amoureux de lycée dont je rêve régulièrement), en lui écrivant une lettre (fictive), que je le quitte. Que je dois m'écouter et m'occuper de moi.
Fabrice parle de prendre un appartement pour faire un break et pour, espère-t-il, provoquer le manque chez moi. Ça m'a soulagée (j'ai ressenti un youpi). C'est ce que je veux, qu'il parte. Je ne sais pas s'il est capable de le faire.
Moi je n'arrive à prendre aucune décision. Et comme je ne peux pas prendre de décision, j'ai décidé de ne pas en prendre. Jeanne dit que contrairement à ce que je pense, ce n'est pas une attitude lâche. Il faut que je me débarrasse de cette culpabilité constante.
Je n'ai pas laissé tomber Tinder, je m'amuse à liker des profils. Mais franchement je ne vois pas comment arriver à trouver quelqu'un en se basant sur quelques photos souvent trompeuses, sans les mouvements d'un regard, sans le langage gestuel. C'est juste un jeu addictif comme l'écrit une blogueuse, comme Candy crush. Mais contente d'avoir testé et de mourir un jour moins con. Et puis grâce à un gars qui m'avait liké mais pas moi, j'ai découvert un artiste de musique soul, Curtis Harding. Juste ce que j'adore.
Fin janvier. Avant-hier Yann a proposé un skatepark. Et c'est reparti... Je crois qu'il a eu plaisir à me revoir et à me raconter son voyage en Australie. Comme Fabrice n'était pas là, j'ai proposé un restaurant et il nous a tous emmenés, avec les enfants, dans une excellente pizzeria que je ne connaissais pas. On n'a pas fait trop tard car les enfants avaient école le lendemain. J'avais envie de lui dire que ça ne va pas avec Fabrice. Pour qu'il le sache, mais aussi pour qu'il me parle de son expérience.
Fabrice a vu un appartement qui lui convient mais ça a eu pour seul effet une projection dans une séparation dont il ne veut pas. Il dit qu'il veut rester chez nous et que je ne fais rien pour améliorer la situation. "Je n'ai rien demandé" a-t-il déclaré...
Non mais quel enfoiré. Faudrait pas inverser les rôles. Je lui ai répondu que je lui en voulais beaucoup de ce qu'il avait fait avec cette fille, que ça me donnait envie de gerber. Et je le pense sincèrement maintenant (merci à Jeanne d'avoir révélé ça). Je pense qu'il redoute, au-delà de la séparation, de devoir annoncer au monde ce qu'il a fait pour qu'on en arrive là. De devoir dire à ses enfants, à ses parents, à ses frères, qu'il m'a trompée. Vu qu'il ne l'a même pas dit à Gabriel... Je pense que ça le terrifie. Plus que de ne plus vivre avec moi.
Ce matin j'ai eu droit à un petit déboussolage en règle, histoire de ne pas retrouver le nord trop vite.
Fabrice a demandé à me parler. Il semblait anormalement énervé. "Tu sais, au sujet de Betty, je voulais te dire, oui je l'ai embrassée, je l'ai caressée, mais je ne l'ai pas...pénétrée...".Hein ???
Et il est parti au boulot. En me laissant ça sur les bras. Il n'était apparemment pas dans son état normal. J'ai tout de suite appelé Flo pour me décharger. Elle pense à un déni. Ça fait peur.
Dans la matinée il m'a envoyé un message "Je crois que je perds les pédales par moment... Je ne cherche pas à nier, ce n'est pas mon but". Et le soir il est venu me dire, tout mielleux et repentant, qu'il ne savait pas pourquoi il avait dit ça. Il ne se souvenait même plus exactement de ce qu'il avait dit. Il s'est mis à pleurer.
Vas-y pleure, tu as le droit de pleurer.
Il a annoncé la situation à ses parents et à ses frères, à nos fils Julien et Nicolas. Je lui ai dit que j'avais parlé à mes parents aussi, que je n'avais pas donné de détails sur les raisons de notre séparation. Il m'a dit trois fois merci.
Pourtant Jeanne m'a dit de ne pas être bienveillante avec lui, de ne pas essayer de le sauver. C'est son problème. Je ne dois pas être à son écoute et essayer de le préserver ou de lui faire du bien. Je dois penser à MOI.
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La femme rose aux coulures - Tome 1
ChickLitJ'ai pris ma petite pelle et j'ai creusé toute seule un trou bien profond, j'y ai jeté tout le bordel dans un sac plastique (non biodégradable), bien rebouché et planté de jolies petites fleurs au-dessus pour que personne ne se doute de rien. Et j'a...