La corneille et la colombe, ainsi que d'autres histoires...

Âmes sœurs ? - Partie 2

La sonnette de la porte d'entrée retentit avec force dans l'appartement silencieux. Elsa, étonnée, ouvrit la porte, se demandant bien qui pouvait la déranger à une heure aussi matinale. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle aperçut un policier se dressant devant elle.

- Oui... ?, balbutia-t-elle, mal à l'aise.

- Désolé de vous déranger, je n'en ai pas pour long. Vous êtes Elsa ?

- C'est moi, répondit-elle. Quel est le problème ?

L'homme eut l'air ennuyé, puis il déclara :

- Eh bien, une de vos amie, Manon, a disparu depuis hier après-midi. Est-ce que vous savez où elle est ?

Elsa resta longtemps silencieuse, sous le choc. Pourquoi Manon aurait-elle fait une chose pareille ?

L'adolescente releva les yeux et observa le policier l'air perdue.

- Je suis désolé, murmura-t-elle. Je n'en ai pas la moindre idée.

Elle hésita, puis reprit :

- Vous... vous pensez qu'elle a fugué ?

L'homme se passa une main dans les cheveux, l'air songeur.

- C'est ce qui paraît le plus probable. Écoutez, je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Mais si vous apprenez quelque chose à ce sujet, contactez-moi, d'accord ?

Il tendit une petite carte à la jeune fille et s'en alla, sans un mot. Elsa, incapable du moindre mouvement, ne parvenait pas à comprendre comment son amie avait pu fuguer sans même l'avertir.

L'adolescente ferma les yeux, réfléchissant à toute vitesse. Il était vrai que Manon lui avait paru bizarre le jour précédent, mais pas forcément plus que depuis quelques semaines...

Elle soupira. Elle savait que son amie n'acceptait pas très bien le fait qu'elle ait un petit ami, mais de là à faire une chose pareille... il y avait un pas que Manon n'aurait jamais franchi, Elsa en était persuadée.

La jeune fille se sentit prise au piège. Pour la première fois depuis longtemps, elle s'aperçut qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle devait faire. Désemparée, elle saisit son sac d'un geste machinal et parcourut le chemin qui la menait au lycée d'un pas automatique, perdue dans de sombres pensées.

La cloche venait de sonner et Elsa traversa rapidement la cour déserte. Arrivée en classe, son professeur, surpris de la voir en retard, lui en demanda la raison.

- Mon réveil n'a pas sonné, marmonna l'adolescente.

- Ma foi, veillez à ce que cela ne se reproduise pas, dans ce cas. Au fait, vous ne sauriez pas où est Manon ? Elle est malade ?

Elsa, ne sachant que répondre, hésita longuement.

- Je ne sais absolument pas où elle est, dit-elle enfin d'un ton brusque.

Une voix s'éleva alors dans la classe.

- Elle a disparu monsieur. Des policiers nous ont interrogés à son sujet tout à l'heure.

Le professeur fronça les sourcils.

- Vraiment ? Voilà qui est étonnant. Elsa, vous êtes sûre de ne pas savoir où elle est ? Vous êtes sa meilleure amie, je me trompe ?

Sentant tous les regards plantés sur elle, la jeune fille eut l'impression d'étouffer. Un vent de culpabilité l'envahit soudainement. Sa meilleure amie... si elle l'était vraiment, pourquoi n'avait-elle rien remarqué ? Les souvenirs des semaines précédentes lui revinrent brusquement en mémoire. Manon, seule au milieu de la cour. Manon, les yeux humides, se détournant pour qu'on ne voie pas ses larmes. Manon, sur le point de hurler, mais sans jamais le faire. Manon, tentant de parler mais sans que personne ne l'écoute.

Elsa rouvrit les yeux, horrifiée. Rien. Elle n'avait rien vu. De tous les signes de détresse que son amie lui avait envoyé, elle n'avait rien remarqué. Trop occupée à vivre le grand amour, elle l'avait oublié.

Tout tournait, tournait autour d'elle. Son monde partait en vrille, se désintégrait en poussière. Tout ce qu'elle avait refusé de voir s'imposait désormais à son regard avec tant de force qu'elle perdait pied.

Elsa tomba à terre.

Et se mit à pleurer.