Tu es là, comme chaque matin, immobile. Comme chaque matin, je m'assied à mon tour. Je commence à manger et, comme chaque matin, tu commences ton interminable tirade. Et comme d'habitude, mon regard noir n'y change rien, tout comme mon soupir agacé.
- Ta gueule Roger, marmonné-je en tendant la main pour t'arrêter.
Tu te tais, enfin, je vais pouvoir déjeuner en paix. Je te lance un regard narquois, observe encore une fois ta laideur. Vraiment, quelle idée de s'habiller tout en rouge ! Heureusement que tu as ta casquette noire, sans ça tu serais vraiment trop démodé. Mais bon, au moins, ça m'aura aidé à trouver ton prénom. Roger le rouge.
Oh, et ne me regarde pas comme ça, avec ton air de chien battu. Ce n'est pas ma faute si tu es moche, d'accord ? Ça y est, tu te remets à déblatérer. Mais ta gueule Roger, ta gueule ! Je t'ai déjà dit mille fois que je ne supportais pas tes discours le matin. Alors sois gentil pour une fois, ferme-là.
Comment ça, tu veux pas ? Je te préviens, ne joue pas avec moi, tu le regretteras.
Ah bon ? Tu t'en fiches ? Serais-tu devenu rebelle depuis hier ?
J'avance ma main, une fois de plus, te frappe un peu plus violemment que je ne l'aurais souhaité, mais c'est ta faute, tu l'as bien cherché.
Silence, doux silence, que tu es agréable ! Écoute Roger, écoute ! N'est-ce pas magnifique ? On pourrait se croire en plein désert, au milieu de nulle part, seuls, tous les deux. Ferme les yeux Roger, imagine, imagine la chaleur du sable, les rayons de soleil levant, imagine-nous au pied d'une dune immense, savourant une légère brise matinale.
Alors ? Qu'en penses-tu ? Ce serait le bonheur, non ? Tu comprends maintenant pourquoi j'aime tant le silence ?
Mais non, tu ne comprends pas, te revoilà en train de marmonner dans ta barbe. À quoi je m'attendais ? À ce que tu fasses preuve d'intelligence ? Mon dieu, qu'est-ce que je suis stupide !
Tiens ? Tu t'arrêtes ? Tout seul ?
Merci Roger, merci ! On dirait que tu as compris ! Tu sais, faut pas que tu m'en veuilles, je suis toujours un peu à cran le matin, mais au fond je t'aime bien. Si, si, je t'assures, je n'ai rien contre toi. C'est juste que... ne le prend pas contre toi, hein, mais je ne comprends absolument rien à ce que tu veux me dire, et ça m'agace.
Oh non, je t'en supplie, ne recommence pas ! Ne recommence pas à parler...
...
Tu ne comprendras jamais, pas vrai ? Tant pis, je t'aime bien quand même. Même si tu m'énerves, même si tu m'agaces, malgré tes discours incompréhensibles, je t'aime bien.
Alors on fait la paix ? Tu veux bien ?
***
- Ma puce, pourquoi est-ce que tu serres le thermos dans tes bras ?
- Tu ne comprends pas maman, c'est pas un thermos ordinaire, c'est Roger.
Pour ceux qui se demandent à quoi ressemble Roger, regardez le média !
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La corneille et la colombe, ainsi que d'autres histoires...
Short StoryCascade de lumière Cœurs liés Âmes croisées Ensemble de nouvelles sur les âmes croisées... Jumelé avec le recueil de @NoomaToryn Juste, le poème marchombre du début n'est pas de moi, mais de NoomaToryn