Les mots refont surface, mots amis devenus destructeurs. La lame s'avance, lentement, guidée par ces phrases terribles, impardonnables. Le sang coule, rapide, aussi vif que leurs regards haineux, dégoûtés.
Elle vacille. La flaque à ses pieds s'élargit de plus en plus. Elle coule, se noie dans ce liquide rouge. Rouge comme leurs mots, rouge comme leurs phrases, rouge comme leurs regards. Rouge sang.
Sa chute est lente. Si lente. Mais déjà elle n'est plus là. Elle ne sentira jamais sa tête heurter le sol, n'entendra jamais sa mère hurler en la découvrant, ne verra jamais son père pleurer devant son corps inanimé.
Elle ne sentira, n'entendra ni ne verra rien. Mais elle a senti les coups, entendu les insultes, vu les regards. Trop différente dans un monde formaté.
***
- Tu ne peux pas l'aimer !
Si. Elle l'aimait. Tellement. Mais ça, son père ne pouvait pas le comprendre.
- Vous me dégoûtez ! C'est contre nature !
Non. Ça ne l'était pas. Ça a déjà été observé chez d'autres espèces. Mais ça, son meilleur ami ne pouvait pas le comprendre.
- Revenez dans le droit chemin, il n'est pas trop tard. Le seigneur pardonne tout. Vous pouvez encore mettre un terme à cette folie !
Non. Ce n'était pas de la folie. C'était de l'amour. Mais ça, le prêtre ne pouvait pas le comprendre.
- Écoute ma chérie, ce n'est pas naturel, tu comprends ?
Peut-être. Mais quelle importance ? Le monde technologique est-il naturel ? Mais ça, sa mère ne pouvait pas le comprendre.
- Je suis désolée. Je n'en peux plus. Ils ont peut-être raison. Peut-être qu'on ne devrait plus se voir.
NON. Ils n'ont pas raison. L'amour est plus fort. L'amour est juste.
- Je ne veux plus te voir, tu entends ? Tu n'es qu'une délinquante, tu m'as emportée avec toi ! Je n'étais pas comme ça avant ! Tout ça, c'est de ta faute. Notre faute. On ne peux plus se voir. On ne doit plus se voir. Je suis désolée. Pardonne-moi. C'est pour ton bien. Notre bien. On va guérir. Je te le promets.
Ce n'est pas une maladie. L'amour n'est pas une maladie. Ce n'était pas un amour dérangé. C'était juste un amour différent. Et donc inacceptable pour la société. Mais ça, même sa petite amie en doutait.
***
Elle est là, allongée à terre, comme endormie. Une lettre est posée sur sa table de chevet, une simple feuille de papier pliée en quatre. Un mot navré inscrit, seul, tout comme elle l'était.
Désolé
À l'intérieur, se trouvent des mots esseulés, des phrases désespérées, un appel à l'aide qui ne sera entendu que trop tard.
Papa, Maman, Nelly,
Vous ne comprendrez sûrement pas mon acte. Tout comme vous n'avez pas compris mon amour. Nelly, je t'aimais, réellement. Avec toi, j'avais l'impression d'être différente, d'exister pour de vrai. Tu me rendais heureuse, on était bien, toutes les deux, avant que les autres sachent, avant qu'ils nous jugent, avant que tu décides qu'ils avaient raison, que nous étions malades, que nous n'avions pas le droit de nous aimer.
Mais je ne peux pas vivre sans toi ! Je t'assures, j'ai essayé, j'ai vraiment essayé. Mais sans toi, sans ton amour, sans notre amour, la vie n'a plus de sens, ma vie n'a plus de sens. Ce n'est plus qu'un interminable cauchemar, qui ne finit jamais. L'amour n'est pas une maladie Nelly, je me suis renseignée, notre amour est normal, même accepté par certains pays occidentaux ! Nous ne sommes pas malade, nous sommes normales, juste différentes, et c'est ce que j'essayais de te dire lorsque tu refusais de répondre à mes appels et messages.
Alors pardonne-moi Nelly, pardonne-moi Maman, pardonne-moi Papa, mais je n'en peux plus. Mon choix vous paraîtra sans doute lâche, et il l'est sûrement, mais il faut que ce cauchemar cesse. Et comme ça, tu pourras réellement guérir, Nelly, si tu estimes toujours être malade. Comme ça, tu n'auras plus honte de moi Papa. Comme ça, je ne te ferai plus pleurer Maman. Comme ça vous n'aurez plus jamais affaire à moi.
Adieu
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La corneille et la colombe, ainsi que d'autres histoires...
Storie breviCascade de lumière Cœurs liés Âmes croisées Ensemble de nouvelles sur les âmes croisées... Jumelé avec le recueil de @NoomaToryn Juste, le poème marchombre du début n'est pas de moi, mais de NoomaToryn