Chapitre 10.

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La peur au ventre, je me pointai à la villa de Smurf, quasi à reculons. J'avais essayé de tirer les vers du nez à J, savoir pourquoi c'était si urgent de me voir ? Me buter ? Me proposer un nouveau coup ? Deran m'avait assuré ne rien dire, j'avais peut-être été trop naïve ?

-          Bonjour, je fis d'une toute petite voix en les rejoignant sur les canapés en osier derrière la piscine.

Vu la gueule de Smurf, elle savait. Je n'osais pas m'installer avec les autres.

-          Ma chérie, elle commença doucement, tes clés.

-          Mes clés, je demandai, pas sûre de comprendre.

-          Les clés de ta bagnole, s'il te plait, elle s'impatienta.

Deran évita mon regard que je lui lançai, à la recherche d'indice sur ce qu'il m'attendait. Hésitante, je finis par lui tendre les clés de l'Impala.

-          Craig, à toi de jouer !

Il m'adressa une grimace désolée. J buvait un café, un genou replié sur sa cuisse qu'il secouait nerveusement, son regard planqué derrière des solaires. Pope répondait absent, ouf. Je me sentais si seule, sur le moment. Ma voix se brisa lorsque je m'inquiétai du sort réservé à ma voiture :

-          Tu vas en faire quoi ?

-          En faire un joli paquet de tôle....

-          Non, je m'écriais en m'approchant de lui, dans l'espoir de récupérer les clés.

Et de me barrer d'ici en vitesse. Sauf que le bestiau faisait pas loin de deux mètres et leva le bras en l'air, dont la main s'était refermée autour du trousseau. C'était foutu.

-          C'est la seule chose que mon père m'a laissé.

Je ne pus retenir quelques foutues larmes.  Que je me dépêchai de ravaler.

-          Fallait y réfléchir avant, trancha la vieille, imperméable à ma tristesse.

-          Et si on mettait de fausses plaques ?

Je tentai le tout pour le tout.

-          On ne prend aucun risque, exposa Deran calmement en posant sa main sur mon épaule.

Je cherchai du réconfort en me tournant vers J, repoussant la main de Deran. Il m'avait trahie, j'étais en colère après lui. Après moi-même aussi, si j'avais su mentir, je serais pas entrain de négocier la survie de mon vieux tacot auquel j'étais tant attaché.

-          C'est sur ça au moins qu'ils l'ont repéré ? Y a des tas de bagnoles dans cette rue, pourquoi la mienne justement?

J daigna enfin réagir et se contenta de soulever les épaules. Lui aussi, putain. Sa stoïcité me refroidissait.

-          Ivy, souffla la vieille. Je suis désolée, mais... Craig, elle marmonna en lui faisant un signe.

-          C'est qu'une caisse.

Pope venait de me cracher ça derrière mon dos – d'où il sortait lui ? Désemparée, j'observai Craig quitter les lieux avec les clés de mon Impala chérie. Quelques images me revinrent de mon père derrière le volant, moi sur ses genoux à faire semblant de tourner le volant et m'en émerveiller parce que j'étais qu'une gamine.

Naïve, j'avais toujours été naïve, et j'en payais le prix. C'est qu'une caisse, Ivy. Smurf se leva, s'arrêta alors qu'elle me faisait face, ôta ses lunettes de soleil et mit fin au débat :

Poison IvyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant