21 juin 1914

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Riziero ne pourrait pas marcher avant le lendemain, ordre de Valentina, Albuman devait bouger son bras gauche le moins possible et Thomas était pâle comme un cadavre, en proie à une forte fièvre suite à ses blessures. De plus, Carla Dellini semblait déterminée à ce qu'ils se reposent tous. Cauluzac sortit pour prier leurs morts, et Beaux et Nathaniel aidèrent Carla dans son potager. Valentina partit pour sa tournée d'infirmière, et Albuman surveilla le mafieux et Isabella.

Le soir venu, Cauluzac rentra, pâle et ses chaussures couvertes de terre. Ses camarades devinèrent ce qu'il avait fait : enterrer ses quatre amis malgré les risques. Valentina observa le jeune homme puis suivit Albuman alors qu'il sortait dans la nuit pour fumer.

-Qu'est-ce qu'il a, Cauluzac ? demanda-t-elle en le rattrapant

Le soldat eut un mouvement de recul : il ne parlait pas italien et ne comprenait rien à ce qu'elle lui racontait. Valentina s'aperçut de cette tension et lança de manière hésitante :

-Tu es... Français ?

-Si. (C'était le seul mot qu'il connaissait en italien)

-Je sais un peu... le français.

-Gaspard parle italien... il...

-Je vois, répondit-elle en italien et il sembla comprendre.

Albuman réfléchit un instant : elle venait de découvrir leur secret et il ne doutait pas qu'elle se ferait un devoir de le crier haut et fort dans tout son village. De plus, ils avaient besoin d'une infirmière. Et Valentina était la fille la plus belle qu'il n'avait jamais rencontré...

Il s'agenouilla devant elle et lui prit la main :

-Veux-tu m'épouser ?

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-Mère !

Carla se tourna vers sa fille et fut surprise de la voir si heureuse, tenant la main de l'un des invités – le brun, que ses compagnons nommaient Albuman si ses souvenirs étaient bons. Les autres étaient également intrigués et Beaux lança un regard inquisiteur à Nathaniel.

-Oui, ma chérie ?

-Paolo Albuman et moi, nous allons nous marier ! s'exclama la jeune italienne. Il vient de me faire sa demande !

Nathaniel faillit avoir un arrêt cardiaque, et Isabella plaqua ses mains sur sa bouche pour s'empêcher de crier de joie. Seul Beaux parut profondément agacé par la situation, contractant sa mâchoire et s'efforçant de prendre un ton aimable :

-Vous allez... quoi ?

-Nous marier, répéta Valentina. Par ailleurs, il m'a proposé de nous marier à Jérusalem, quand vous arriverez en terre sainte pour vous recueillir. Je vous accompagnerais donc... si ma mère y consent.

Carla, restée silencieuse, essuya une larme puis commença à réciter des prières bénissant le ciel d'avoir fait se croiser les routes de sa fille et d'Albuman. Ce dernier jeta un coup d'œil à ses camarades qui voulait dire « je vous expliquerais ».

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-Un mariage ? explosa Beaux quand ils furent tous les trois à une distance suffisante de la maison. C'est bien la dernière chose dont nous avons besoin !

-Calme-toi, grogna Albuman. C'est prévu dans le scénario. D'abord, elle nous avait démasqué, et on n'avait pas besoin qu'une cruche hurle sur tous les toits qu'elle avait soigné des Français à proximité de la frontière. Ensuite, on a besoin d'une infirmière, puisque notre infirmier est mort – paix à ton âme, Marcelac. D'une pierre deux coups : elle vient avec nous et une femme n'oserait trahir son mari. En plus, elle nous apportera une couverture supplémentaire en Autriche.

-Très malin de ta part, approuva Nathaniel. Mais tu comptes vraiment l'épouser ? D'autant que nous n'irons jamais à Jérusalem...

-Je ne sais pas... Mais elle sait que nous devons atteindre l'Autriche-Hongrie, elle doit se douter de notre but.

-Beaucoup trop maline... marmonna Beaux. Nous allons devoir nous méfier d'elle.

-Les garçons ! cria Isabella, la jeune prisonnière, en accourant vers eux. Oh, Seigneur ! C'est affreux...

Et elle fondit en larme sans pouvoir en dire plus.

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Quand ils arrivèrent dans la maison, Cauluzac récitait des prières en latin, agenouillé au chevet de Thomas. Valentina et Carla priaient à ses côtés, pendant que Riziero se désintéressait de la situation, fumant cigarette sur cigarette. Isabella retourna prier pendant que Valentina s'approchait des soldats.

-Antonio-Maria vient de mourir, et Cauluzac dit la messe funèbre, expliqua-t-elle tristement. Il faut l'enterrer.

-Nous ne pouvons pas nous attarder, la coupa Beaux. Nous devons continuer notre pèlerinage.

-Je comprends. Ma mère demandera au prêtre de l'enterrer demain matin.

-Parfait. Nous partirons après la cérémonie.

Les larmes montèrent aux yeux de Nathaniel alors qu'il fixait le cadavre de Thomas. A quoi tout ceci rimait-il ? Cinq de ses camarades étaient morts en deux jours. Et qui sait, peut-être allait-t-il mourir demain à son tour ? Inconsciemment, il se mit à prier que la guerre ait lieu, afin que tous ces morts n'aient pas été vains.

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