Les quatre soldats français, leurs deux prisonniers et l'infirmière franchirent la frontière dans l'obscurité croissante du soir. Les adieux entre la mère et la fille avaient été brefs, sans doute un peu refroidis par la volonté de Valentina de partir le plus vite possible.
Les quatre soldats étaient face à plusieurs inconvénients : ils devaient surveiller les deux prisonniers italiens, et ils ne pouvaient pas progresser aussi vite qu'avant. Désormais, il leur fallait réellement être des pèlerins. Et à cela s'ajoutait de se déplacer dans cet empire hostile où il faudrait se débrouiller en italien, ce qui risquait de rendre les Austro-Hongrois méfiants.
Ils progressèrent jusqu'à un village où ils demandèrent l'hospitalité au prêtre du village. Celui-ci les reçu, flatté d'accueillir des personnes de foi par ces temps troublés. Ils s'installèrent pour dormir, pendant que Nathaniel sortait dans le noir. Il était en train de se faire submerger par le poids des morts qui avaient jalonné son parcours – son père, son frère Gaspard et presque simultanément sa mère, Marcelac, Thomas, Josfre, Gulliver et Defauville, mais aussi sa sœur jumelle égorgée la veille de son mariage par un Italien radical, ses amis soldats morts lors de missions de reconnaissance comme celle-ci et des membres de son ancien entourage – et il avait du mal à rester Gaspard Fibronet dans ces moments-là. Il se laissa tomber devant une tombe à demi détruite par le temps dans le cimetière et se mit à prier pour son frère, lui demandant de l'aider.
-Si tu n'es pas Gaspare, qui es-tu alors ?
Le soldat se retourna vivement et reconnut Valentina. Elle ne savait pas, il n'avait pas parlé.
-Je suis Gaspard, rétorqua-t-il plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu. Mais toi, j'ai des doutes sur ton identité.
-N'en ai pas, je suis juste plus observatrice et plus chanceuse que le reste des mortels, sourit-elle pour dissimuler sa blessure. Qui pries-tu ?
-Ma mère, répondit-il immédiatement. Elle est morte il y a peu. C'est pour elle que je veux faire ce pèlerinage.
-Et Cauluzac ?
-Lui, il était au séminaire avant... avant que sa famille ne l'en retire. Il le vit mal et espère que ce voyage lui permettra de décider de son avenir.
Valentina hocha la tête, comprenant qu'il n'en dirait pas plus de la soirée. Elle lui souhaita bonne nuit et regagna le presbytère, toujours déterminée à comprendre ce qu'il se tramait dans ce groupe. Pourquoi diable des Français se feraient-ils passer pour des Italiens, traverseraient-ils la frontière de nuit et dissimuleraient-ils des revolvers sur eux ?
Soudain, tout s'éclaira : c'était des soldats. Des espions. Voilà pourquoi il leur fallait une infirmière.
Sortant du cimetière, elle s'arrêta sur le perron de la maison, obstrué par un fumeur noctambule.
-Riziero.
Le mafieux se tourna et adressa un regard dédaigneux à l'infirmière. Lui qui comptait seulement fumer en paix se retrouvait à faire la conversation à une femme modeste de campagne !
-Infirmière Dellini... me feriez-vous l'honneur de partager une cigarette ? lança-t-il, moqueur
-Volontiers.
Elle s'assit près de lui, et accepta la cigarette et le feu qu'il lui proposait.
-C'est rare de trouver une femme qui fume.
-Seules les femmes d'exception fument. Ce n'est pas donné à tout le monde.
Riziero ricana. Il aimait cette façon de penser, qui se rapprochait de la sienne. Nul ne peut m'égaler, je suis au-dessus de vous.
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PROJET KOSMOS - 1914
Fiksi SejarahL'histoire et la série « Projet Kosmos » sont une libre inspiration de faits réels. En l'absence de preuves et pour votre bien, continuez de croire vos livres d'Histoire. Il y a des milliers d'années, bien avant l'apparition de nos ancêtres sur Terr...