14- Le mari de la femme de mon père.

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Comme je l’ai raconté, J’avais seize ans lorsque mon papa me présenta le morceau de banquise dont il était amoureux et qu’il entendait, la dame ayant des principes en dépit d‘une vertu à géométrie variable, épouser le plus rapidement possible.

Depuis le départ de ma mère, loin de se convertir en moine Trappiste, papa, joli garçon en diable, narquois jusqu’à la rosserie, attachant, puisque plus estropié qu’il ne l’admit jamais par l’échec tonitruant de son premier amour, incapable dans le fond de tromper sur ses fêlures, ses failles, ses fissures les femmes qui l’aimèrent, moins encore que d’abuser sa fille unique , papa donc multipliait les aventures de plus ou moins d’importance s’attachant à ce qu’elles n’interfèrent jamais avec la relation passionnelle, fusionnelle, je m’autorise à l’écrire, quasi amoureuse qui nous unissait.

Les années passaient, les pétasses défilaient.

Il y eut celles que je ne rencontrais pas.

Il y eut celles que je croisais par hasard.

Celle qui prenait au petit déjeuner du chocolat chaud et du bourbon dans le même bol.

Celle qui aimait se promener nue chaussée de sandales à brides.

Celle qui débarquait à trois heures du matin de quelque raout "mortel-chéri!", couverte de tant de joncaille et de pierres précieuses qu'on eut crut un arbre de noël, virait ses pompes et ses visons, descendait bières sur bières , retrouvant à mesure que l'ivresse la gagnait, un accent poissard qu'elle déguisait en suave zézaiement Créole depuis qu'elle carambolait dans la haute ,avant de s'endormir comme une masse sur un canapé qu'elle quittait aux heures blanches du petit matin, contrariée d'avoir fait poireauter son chauffeur Marocain, lequel puisque la sautant à l'occasion ne se gênerais pas pour la traiter de Mouquère de mauvaise vie.
De la rue nous parvenaient le fracas de leurs disputes, parfois l'écho d'une baffe émietteuse de gemmes, larmes et pampilles que Madame et son singe récupéraient ensuite à quatre pattes sur le trottoir, tandis que planqués derrière des jalousies à demi closes, papa et moi pleurions de rire.

Toutes étaient jolies, sophistiquées et parfaitement folles à lier.

Il y eut Laetitia.

Belle de cette beauté classique, lointaine, un peu figée des vedettes de cinéma, distante jusqu’au mutisme, pourtant habile lorsque l’on s’y attendait le moins à vous atteindre d’un carreau au cœur dont vous ne vous releviez pas, elle ne me plut qu’à moitié.

Je ne la convainquis pas d’avantage. 


Elle se méfiait à raisons. 

D’instinct la prédatrice flairait l’ennemie, celle qui, au moindre faux pas, déclencherait la curée.

Cependant, puisqu’apparemment, nous voulions toutes deux le bonheur de papa, nous convînmes tacitement d’un pacte de non agression.


Elle ne se mêlerait pas de ma vie, je n'encombrerai pas la sienne plus que nécessaise pour autant qu’elle ne blessât pas papa.

Du reste, il me faut admettre que c’est à Laetitia que je dois d’avoir rencontré un personnage dont l’influence marqua au fer mes années d'adoléscence : son ex mari, bien que l’on ne présenta jamais Laetitia, pourtant à la une de tous les magazines et à l'affiche de tous les cinémas, autrement que comme « la femme de Walter » et par contrecoup papa, plus amusé que véritablement agacé, comme « le mari de la femme de Walter ».

Mauvaise Graine et les garçons.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant