Penchée au bord de la falaise de craie blanche dont elle était le prolongement exact , agrippée à ses remparts comme pour en prévenir l’écroulement , la vielle citadelle Génoise paraissait sur le point de verser dans la mer, poussée par un vent terrible soufflant ses fureurs liquides sur les bouches de Bonifacio , de l’anse de la Catena , à l'entrée du port , jusqu’ aux docks de Santa Teresa di Gallura contre lesquels elles s’échouaient avant de se disperser en multitudes de courants apaisés sur la grande plaine Sarde.
Le vigoureux petit ferry fendait de son étrave des murs d’eau verte plus hauts que lui, souquait, crachant, craquant, brasillant d’écume, en direction d’une Marina qu’il semblait ne devoir jamais atteindre tant la force des éléments jouait contre lui.
« - Bonifacio, c’est 300 jours de vent par an, me disait le jeune et jovial pêcheur de corail, rond et brun comme les châtaignes de son ile, auprès duquel j’étais assise. Et encore, aujourd’hui ça souffle à peine. D’habitude c’est bien pire ! Vous savez que les pilotes de supertankers viennent s’entrainer dans les bouches tellement les conditions météo y sont difficiles ? Vous ne le saviez pas ? Hébé maintenant vous le savez ! Y a pas à dire ça instruit les voyages ! Bonifacio, vous verrez, c’est une ville très particulière. On n’y est plus vraiment en France mais ce n’est pas encore l’Italie. Ce n’est pas d’avantage la Corse tant ça diffère du reste de l’île. Tenez, la roche, le calcaire, par exemple, on ne le trouve qu’ici ! Une veine de craie dans le granit. La langue aussi n’est pas la même. Nous on parle un patois issu du Ligure alors que le Corse dérive du vieux Toscan, personne ne nous comprend. On est un peu des étrangers chez nous, vous voyez ce que je veux dire ?
Parce que je le trouvais sympathique et rigolo, je me forçais à écouter ses bavardages, dissimulant tant bien que mal derrière un sourire qui se voulait affable alors qu’il se crispait à chaque secousse du navire, ma fièvre de retrouver Julien.
Jamais les douze malheureux kilomètres séparant la Sardaigne de la Corse ne me parurent plus longs à parcourir. Au bout du voyage il y avait le port, et sur le port il y avait mon homme, aussi malade d’impatience que je l’étais moi-même.
« - Vous voyez le yacht, là bas devant la capitainerie, le grand qu’on dirait un Transatlantique ? Continuais mon intarissable compagnon. Hébé, figurez vous qu’il appartient à Bill Gates .Même pas il en profite ce con. Il le loue, comme s’il n’avait pas assez de monnaie comme ça. A Brad Pitt. Je vous jure, c’est vrai ! Je l’ai vu l’autre jour dans la rue Doria avec la bombasse qui jouait " Lara Croft". Ah il en passe de la viande célèbre chez nous. Faut dire qu’on leur fiche une paix royale. Vous ne verrez personne demander un autographe, ni même prendre une photo. Et quand les paparazzi les embêtent, hébé nous, les vautours on les bastonne histoire de leur apprendre les bonnes manières. Ma mère dit que les Corses, sont encore plus fiers que les stars d’Hollywood, que ça nous ferait mal au ventre de montrer qu’on est impressionnés par la célébrité ou le fric. Du coup les mecs- people- machin ça leur fait de vraies vacances cette indifférence. Pas comme en France ou là en face chez les « Luchesi » ! On les appelle comme ça nous les ritals, « I Luchesi », parce que les premiers envahisseurs en huit cent et quelque chose venaient de Lucques en Toscane. D’ailleurs c’est le Comte Boniface II de Toscane qui a fondé la ville. Et vous, les Gaulois, vous êtes « I Pinzuti » parce que vous parlez avec l’accent pointu ! Putain, on arrive ! Faut faire un vœu. La première fois qu’on met le pied sur la plus belle terre du monde ça demande un putain de vœu !Mon putain de vœu c’était réalisé avant que je le formule puisque Julien, capitulant à bout de nerfs, de désir et de passion, m’avait demandé de le rejoindre, Julien que j’aperçus la première tandis que je m’apprêtais à débarquer, Julien grave et tendu, planqué derrière d’immenses lunettes d’éclipse, trempé d’embruns et blanc de sel , Julien qui brusquement tournais le dos au vent pour allumer une cigarette si bien que lorsqu’il fit volte face , je me trouvais seulement à quelques centimètres de lui .
Il eut un sursaut en arrière comme un mouvement de retrait, plus pale encore, hésitant, balbutiant du silence avant de me noyer sous le flot confus, rapide, heurté de paroles qui cherchaient leur sens.« - Ah tu es là, cool ! Tu as fait bon voyage ? Non, hein ? Tu as vu ce vent ? On se croirait en Décembre .Génial, tu n’as pas pris quarante valises. Bon bé on y va alors .L’hôtel n’est pas loin, juste là sur le quai. « La Caravelle », tu verras c’est bien. Il y a même un piano bar. Le pianiste, c’est un as. Il joue au Cirque d’hiver hors saison. Sa femme, tu vas l’adorer, elle est folle. On les fréquentera, à Paris, ils ont un appart aux Buttes Chaumont. J'ai pensé que c’était mieux de rester ici deux jours histoire de se retrouver tous les deux en tête à tête avant de rejoindre mes parents à Ajaccio. Je leur ai dit, tu sais, comme ça, brut de décoffrage, je l’aime et elle arrive, si vous m’aimez vous l’aimerez aussi. Ils ont répondu, pas de problème du moment qu’on ne conduisait correctement. C’est quoi d’après toi se conduire correctement ? Ne pas se rouler des pelles devant tout le monde ? J’ai envie de t’embrasser mon amour, j’en peux plus. Allez magne, on est presqu’arrivés. Bon là, on est dans la ville basse .Des boutiques, des restos, des cafés, des hôtels, aucun intérêt. Par contre la ville haute est un joyau Médiéval. Tu vois la petite chapelle, là, toute blanche ? C’est Saint Roch, on l’a construite au XVIème Siècle à l’endroit ou est morte la dernière victime de la grande peste qui a décimé les trois quart de la population. Au dessus regarde, la porte de Gènes qui ouvre le chemin de ronde, alors que la porte de France de l’autre coté de la citadelle le ferme. Et la colonne de granit gris, à droite, au bort de la route, juste dans le virage, elle a été sculptée par les esclaves Romains. Aujourd'hui c'est le monument aux morts .Et là, le yacht, le gros, il appartient à Bill Gates.
« - Qui l’a loué à Brad Pitt, je sais. Bon, tu te calmes un peu et tu me dis bonjour, tout simplement ?
Il s’immobilisa tout net devant l’entrée de l’hôtel et là, indifférent à un monde plus indifférent encore, il caressa mon visage de sa longue main brune tandis qu’il me disait d’une voix chaude et émue les plus jolis mots d’amour que l’on m’ais jamais dit.
« - Bonjour mon rêve.
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Mauvaise Graine et les garçons.
Romantizm"Je le rencontrais par hasard et je ne fis rien pour chercher à lui plaire. L’homme de ma vie, de mes vies, de toutes mes vies ! Ma vie réelle, ma vie rêvée. Ma vie en grisaille, ma vie en enluminures. Ma vie cassée nette, figée dans la bulle d’Ambr...