15- L'Adieu au Guerrier.

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J’étais à peine majeure lorsque je rencontrai le garçon pour lequel je commis ma première folie amoureuse.


Nous l’appelleront « Le Pacha » puisqu’il répondait au grade de quartier maitre dans la marine nationale.


Le terme de « Pacha » dans l’argot des marins désigne le commandant d’un navire. Or commandant de navire, il l’était autant que moi, danseuse nue au « Crazy Horse ». Cependant ce surnom me semblait parfaitement convenir à sa nature dolente comme à son gout prononcé pour la plus parfaite oisiveté ; je l’aimais en tous cas beaucoup plus que celui officiel de « Crabe » qu’il devait aux chevrons rouges de son insigne de grade rappelant les pinces d’un crustacé.

Nous nous rencontrâmes au « Queen », un Dimanche si je me souviens bien,aux temps bénis ou pour accéder à ce saint des saints nous classant définitivement parmi les gens « in » , nous acceptions , de bonne grâce, d’être traités comme les voyageurs du métro New Yorkais , un Vendredi soir veille de fête , à l’heure ou des milliers de bureaux vomissent dans la rue des centaines de milliers d’employés, ou certains , moins jeunes, moins jolis ou moins rusés que nous ne l’étions , payaient à prix d’or des consommations que les serveurs , distraits , leur apportaient ou non selon leurs humeurs .

La nuit largement entamée, j’étais saoule à ne plus savoir comment je m’appelais ; mais pas au point de laisser échapper cet immense gaillard, les cheveux taillés ras ; la mâchoire carrée ; les yeux légèrement fendus en oblique d’un bleu intense et liquide dans lequel on aurait aimé nager vers la promesse d’une ile.

Vêtu d’un pantalon à pinces de toile noire comme on en faisait plus depuis 1982, d’une sage chemisette blanche boutonnée jusqu’au col, il dansait gauchement parmi les folles à boas et les athlètes en strings, indifférent aux mouvements de la foule comme au rythme de la musique.


Je le trouvais emprunté, maladroit, provincial ; bref terriblement attendrissant.

« - On dirait Balloo du « Livre de la Jungle »  se moqua Olivier à mon oreille.


Je lui assénais une petite tape amicale sur la joue.

« - Dans ce cas, je veux bien me changer en  Mowgli.


« - Faudrait déjà qu'il soit  hétéro ! objecta mon empêcheur de draguer tranquille.

J’esquissais un sourire gentiment malicieux.

« - Il l'est, tu peux me croire!

"- Ah oui, j'oubliais ton fameux et infaillible straightdar!

"- Pas besoin de le déranger pour si peu. En l'occurence mon redoutable sens de la mode suffit . Non, mais regarde moi cette touche ! Aucun pédé ne saurait  s'habiller aussi mal.

Hétéro, " Le Pacha" l’était manifestement sans le moindre doute, puisque trente secondes plus tard, après avoir feint de trébucher contre sa large poitrine (« Pardon, je suis un peu pompette ») je titillais de ma langue le fond de sa gorge sans qu’il songeât à me flanquer l’avoinée que mon impertinence méritait; tant et si bien, qu'à  la fermeture, nous l’embarquâmes,sans nous soucier de lui demander son avis, ni de s'inquiéter de savoir s’il était accompagné ou non, chez David, dont le père, producteur de cinéma, absent pour cause de tournage Américain ne risquait pas de venir troubler nos turpitudes : autrement dit dans l’appartement mitoyen de celui ou mon propre géniteur et son épouse feignaient d’ignorer les bacchanales orchestrées de l’autre coté de la cloison.

Mauvaise Graine et les garçons.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant