Chapitre 16

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~ Wilhem ~

Prendre le risque de m'aimer... Ses mots continuaient de se répercuter autour de moi sans que je n'arrive à réagir. Pouvais-je lui faire ça ? Elle avait raison sur un point : j'étais allemand. Et nous étions en guerre. Une guerre qui me harcelait de responsabilités depuis quatre années... presque cinq. Une guerre dont je ne voyais plus la fin. Une guerre qui pouvait me l'arracher, à tout moment et par n'importe quelle armée. La mienne. La sienne. Mais elle était prête à prendre ce risque... L'étais-je aussi ? Ses mains glissèrent lentement de mes joues, me faisant réagir.

Une fureur sans nom m'étrangla. Pour tout ce qui nous séparait. Pour tout ce qui pourtant nous rapprocher. Pour la tristesse et le déchirement que je lisais dans ses yeux. Un désir incontrôlable me transperça. Je resserrais mes mains dans son dos en la faisant reculer à nouveau. Elle percuta la chaise du bureau mais n'y fit pas attention, le regard rivé au mien. Je la soulevais dans mes bras, le corps embrasé mais aussi douloureux. J'avais bridé mon désir pour elle, la petite française innocente.... mais tout me ramenait à Madeleine ! De douleur parce que je sortais de jours épuisants à lutter contre la douleur, contre les plaies occasionnées par les Lancaster.

Son souffle s'accéléra. Le combat qu'elle menait me renvoya durement le mien en plein visage. Avais-je le droit de lui faire ça ? Si cela se savait... Elle parut comprendre et s'étrangla une nouvelle fois avant de reprendre, repositionnant ses mains contre mes joues. Je n'étais pas fait de pierre. Je n'avais pas non plus partager la couche d'une femme depuis bien trop longtemps... et Madeleine ne me laissait pas insensible. Si elle ne me stoppait pas, je serais incapable de le faire. J'en avais une conscience aigüe.

- Madeleine, je suis...

- Je sais que tu es allemand, m'interrompit-elle brusquement. Mais toi et moi n'y pouvons rien.

L'entendre me tutoyer m'échaudait plus que je n'aurais voulu l'admettre. Elle n'avait rien de ce que le IIIè Reich prônait : elle était brune. Elle avait des yeux marron. Elle était française. Elle était l'ennemi. Succomber maintenant pourrait mettre ma mission en péril. J'en étais aussi conscient. Elle ne serait pas simplement une femme que je coucherais dans mes draps... Je ne l'avais jamais envisagé ainsi. Pourtant si je le faisais... tôt ou tard, je la blesserais profondément.

- Ne me rejette pas, souffla-t-elle avec fragilité.

- Je n'en ai pas envie, lui assurais-je. Mais tu dois savoir... Je pourrais partir du jour au lendemain. Je te laisserais seule, Madeleine.

- Je sais, murmura-t-elle.

La douleur traversa ses traits, me donnant un coup de poing en plein estomac. Mais je devais poursuivre et formuler la suite.

- Je pourrais mourir et ne jamais te revenir, ma douce...

Un sourire résigné lui échappa alors que la douleur s'agrandissait dans ses yeux, dévastatrice et indomptable.

- J'ai déjà perdu un soldat dans cette guerre, Wilhem...

- Prendrais-tu le risque insensé d'en perdre un deuxième ?

Sa réponse tarda, me broyant le cœur. J'avais abandonné bien plus que ce qui m'était permis de le faire à cette infirmière. Dès les premiers jours, son regard m'avait captivé, hanté... J'avais eu toutes les peines du monde à lui montrer mon indifférence alors qu'elle m'attirait plus que de raison. J'avais eu toutes les peines du monde à ne pas me dévoiler alors que mon officier la maltraitait, parfois sous mes yeux. J'avais eu toutes les peines du monde à ne pas prendre sa bouche insolente quand elle était venue, plusieurs fois, dans ma chambre. Mais j'avais été faible aussi. En allant dans la sienne. En la choisissant pour me soigner en cas de problème. En lui faisant toutes ses confidences....

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 09, 2021 ⏰

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1943 : Amour de guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant