~ Madeleine ~
Il garda le silence de longues secondes. J'attendais sa réponse sans savoir comment interpréter toutes ses confidences. Puis son désintérêt. Pour ses nouvelles confidences. Son visage était plongé dans l'obscurité de la nuit et paradoxalement, la bougie ne faisait qu'assombrir ses traits. Lorsqu'il relevait la tête, son regard était visible. Mais dès qu'il l'inclinait vers moi, il replongeait dans les ombres que la bougie n'atteignait pas.
J'essayais de relâcher son uniforme mais sans mon bras entre nous, son corps serait inévitablement collé au mien. Il glissa sa main libre dans mon dos pour me redresser lentement, me surplombant de toute sa hauteur. Mon rythme cardiaque s'emballa à nouveau et mes doigts reprirent d'assaut le tissu, s'y agrippant avec force. Jäger me serra doucement contre lui, posant nos mains liées sur sa nuque avant de me lâcher.
Je tressaillis sans pour autant me dégager. Ouvrant la main, je laissais l'objet métallique m'échapper pour pouvoir lui toucher la peau. Il se contracta à mon contact avant d'attraper mon autre main. Avec patience, il dénoua mes doigts pour les poser sur son épaule. J'inspirais brusquement en sentant ma colère se brisait en mille éclats. J'étais incapable de m'éloigner de lui. Il me fascinait autant qu'il m'effrayait. Lorsque j'expirais, sa main glissa le long de mon bras jusqu'à regagner ma taille. Mes ongles se plantèrent dans sa nuque, lui faisant incliner la tête.
- J'étais seulement venu vous présenter mes excuses, murmura-t-il sans me regarder.
- Vous l'avez déjà dit, soufflais-je. Vous ne voulez pas me répondre ?
L'ombre d'un sourire gagna ses lèvres.
- Vous êtes un raz-de-marée d'air frais dans cet océan d'hypocrites, Madeleine.
- Je crains de ne pas comprendre, colonel.
- Arrêtez de m'appeler "colonel" à tout va, souffla-t-il avec une pointe d'agacement.
- Je ne vais pas vous appeler Wilhem non plus, soulignais-je avec dérision.
Il redressa aussitôt la tête pour plonger dans mon regard. Le rouge me monta aux joues alors que j'essayais de ne pas détourner les yeux.
- C'est juste que le capitaine Verhoeven vous a appelé par votre prénom tout à l'heure, rougis-je encore.
Il inclina la tête sur le côté, me dégageant sa nuque. Sa joue se posa légèrement sur mes doigts encore sur son épaule, attendant que je poursuive. Mais...
- C'est à vous de parler, l'informais-je.
- Je pourrais m'y habituer, souffla-t-il.
- Aux hypocrites ?
- A Wilhem, sourit-il encore. Quelle inconvenance, infirmière Dumoulin...
Un sourire m'échappa en réponse alors que je cherchais à le repousser, me retrouvant sans le vouloir prise dans son jeu. Il resserra son emprise en rattrapant ma main dans la sienne pour cette fois la poser sur sa joue. Il tourna la tête pour m'embrasser la paume avant de replonger dans mon regard. Mes doigts me brûlaient. Pris en otage entre les siens et son visage, j'étais incapable de détacher mon regard de ce geste qui me paraissait improbable. Voire impossible. Je fronçais les sourcils, attirant son regard interrogateur. Je dus m'arracher à ma contemplation pour réussir à formuler ma question, la bouche sèche.
- Qu'est-ce que vous faites, ici ?
- Je suis en mission pour l'empire allemand, répondit-il sans émotion.
- Ici, dans ma chambre, précisais-je en fronçant les sourcils.
- Ça pourrait être une mission pour le Reich aussi, ironisa-t-il.
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1943 : Amour de guerre
RomanceSeptembre 1943. Hôpital St Charles. 80km - Nord de Paris. Au début de la guerre, Madeleine quittait sa famille pour renforcer les rangs des infirmières militaires. Jeune diplômée, elle n'eut d'autres choix que de commencer à exercer dans le sang et...