~ Madeleine ~
Je replongeais les mains dans mon baquet, mortifiée. Il ne manquerait plus qu'il ait tout entendu et j'allais mourir sur place de honte... Verhoeven l'accompagnait. Ils se rapprochèrent, à mon plus grand désarroi. Jeanne releva les yeux sur moi en apercevant mon agitation et fronça les sourcils. Puis se tourna. Et revint me lancer un regard narquois.
- Ben voyons..., murmura-t-elle. Quel intérêt soudain pour la lessive, n'est-ce pas ?
- Mais tais-toi ! Répondis-je sur le même ton.
Elle retint son rire en se redressant, faisant face aux deux militaires presque près de nous. Je reposais mon savon et sortis le tissu pour ne pas l'oublier puis m'essuyais les mains sur mon tablier. Des doigts se tendirent devant mon visage, me faisant relever la tête avec confusion. Verhoeven me sourit en arquant un sourcil. J'acceptais son aide d'un léger signe avant de me tourner vers Jeanne en relâchant la main de l'officier.
- Colonel, capitaine, les salua-t-elle brièvement. Avez-vous besoin de quelque chose ?
- Disposez-vous d'autres baquets ? Attaqua aussitôt Jäger. Nous allons devoir laver nos tenues également mais je ne veux pas entraver vos tâches quotidiennes. Surtout que nous risquons de mettre plus de temps que vous.
- Nous n'avons que ces deux-là, secoua-t-elle la tête. Mais si vous mettez deux de vos hommes avec nous, nous pourrions leur montrer comment faire.
Jäger lança un regard narquois au capitaine qui se mit aussitôt à râler, me faisant hausser les sourcils. Les deux hommes avaient l'air de deux amis plutôt que deux collègues de travail. Ou plutôt d'un supérieur et de son subalterne.
- Quoi ? Claqua son colonel.
- Mais envoie Franz !
Ma respiration s'accéléra malgré moi alors qu'une onde de panique me glaçait le corps. Jäger s'en aperçut mais s'abstint de tout commentaire. Je repris la parole, masquant mon angoisse naissante.
- Nous pouvons nous en occuper.
- Vraiment ? Osa le colonel. Nous sommes une cinquantaine. Cela représente une charge de travail supplémentaire.
Jeanne fit volte-face, me fusillant du regard.
- Et on n'a pas le temps. A moins que ton emploi du temps ne se soit mystérieusement libéré ? Appuya-t-elle délibérément.
- Scheiße ! (merde !) Jura soudain Verhoeven.
Le colonel lui renvoya un regard explicite sans se départir de son air impassible.
- Et mon colonel se joindra-t-il à moi ? Le provoqua-t-il alors.
J'écarquillais les yeux en regardant Jäger qui arqua un sourcil dans ma direction. J'entrouvris les lèvres mais les refermais presque aussitôt. Il délaissa Verhoeven pour me faire face.
- Mais je vous en prie, Madeleine... Vous vouliez dire ?
- Rien, colonel.
- Vous me mentez ouvertement ? S'amusa-t-il à mes dépens.
- Mais non ! M'écriais-je en rougissant. Je ne vous vois... juste pas faire la lessive. Pardonnez-moi, mon colonel mais vous êtes... vous, lâchais-je en désignant son grade d'un signe de main.
- Et moi ?! S'offusqua soudain Verhoeven.
Devant l'air boudeur du capitaine, je manquais d'éclater de rire en me mordant la lèvre. Et déclenchais une vague de douleur qui me força à redevenir sérieuse.
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1943 : Amour de guerre
Roman d'amourSeptembre 1943. Hôpital St Charles. 80km - Nord de Paris. Au début de la guerre, Madeleine quittait sa famille pour renforcer les rangs des infirmières militaires. Jeune diplômée, elle n'eut d'autres choix que de commencer à exercer dans le sang et...