~ Madeleine ~
La chaleur de ses lèvres me berça dans son baiser un quart de secondes. Avant que mon cerveau ne se remette en marche à toute allure. Je baissais la tête en reculant légèrement, lui échappant. Il ne bougea pas, son souffle aussi court que le mien. Des larmes me brûlèrent violemment les cils alors que je faisais brusquement volte-face.
- Madeleine...
Ses doigts me saisirent le poignet avec douceur alors que son torse se collait presque à mon dos. Je battis des cils pour ne pas m'effondrer, les idées embrouillées. Nous restâmes sans bouger un long moment, sans savoir quoi faire ou quoi dire. Il pouvait me contraindre à n'importe quoi. Mais il ne semblait pas le vouloir. Et j'aurais pu partir à tout moment, sa main ne me retenant pas réellement. Mais je ne le fis pas non plus. J'entrouvris les lèvres mais il me devança en glissant sa main libre sur mon bras.
- Tu devrais y aller.
Pourtant, il ne m'y incita pas plus que cela, ne bougea pas plus que les secondes précédentes. Je m'essuyais les joues en regardant la porte avec un nouvel intérêt. C'était plus facile de faire face à un bois poncé qu'à l'âme tourmenté du militaire.
- Paul était toute ma vie.
Ses doigts se crispèrent. Je me forçais à reprendre en essuyant la première larme silencieuse qui glissait sur ma pommette.
- La guerre fait de nombreux ravages, vous l'avez dit... Et je sais que vous avez raison. Je ne peux pas m'accrocher à son souvenir. Il ne reviendra jamais, j'en ai conscience.
- Je suis désolé.
Je hochais la tête en essuyant une nouvelle larme.
- Je ne vous en tiens pas pour responsable, haussais-je les épaules. En tout cas, pas vous, appuyais-je en laissant un rire sans joie m'échapper. Je ne suis pas sûre d'avoir la même faiblesse pour votre Chancelier. Ou encore pour certains de vos hommes..., confiais-je plus bas.
Le silence me répondit. Seules ses mains toujours présentes sur mes bras me confirmèrent qu'il était encore derrière moi. Alors je poursuivis, la gorge nouée par l'émotion.
- Je déteste ce qu'est devenue l'Allemagne... et je sais que pour cette simple confession, vous pourriez me tuer, osais-je. Je déteste cette guerre et je déteste les décisions que vous prenez en tant que militaire du IIIème Reich.
- Alors, pourquoi me le dire ? Murmura-t-il sans s'attendre à une réponse.
- Parce que je veux être honnête, soufflais-je en me retournant.
Ses yeux azur me foudroyèrent sur place, manquant de me faire baisser ma garde à nouveau. Cet homme allait me faire avoir un arrêt cardiaque en moins de temps qu'il n'en faudrait pour le dire. Ses mains retombèrent le long de son corps. Il ne chercha pas à me toucher à nouveau et je ne revins pas vers lui. Pourtant, mon cœur se mit à battre la chamade.
- Je ne vous déteste pas, bien au contraire... Vous m'attirez irrémédiablement et je ne sais pas comment appréhender ce que je ressens pour vous. Vous m'éloignez de ma seule famille restante et en même temps, vous me protégez de tout et n'importe quoi.
- C'est mon rôle, me rappela-t-il sur le ton de l'évidence.
- Envers vos hommes, souris-je par mécanisme. Pas envers une infirmière française sous vos ordres.
Il esquissa un début de sourire avant de redevenir sérieux, me laissant poursuivre. Je baissais le regard, perturbée par ce simple changement d'attitude.
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1943 : Amour de guerre
Storie d'amoreSeptembre 1943. Hôpital St Charles. 80km - Nord de Paris. Au début de la guerre, Madeleine quittait sa famille pour renforcer les rangs des infirmières militaires. Jeune diplômée, elle n'eut d'autres choix que de commencer à exercer dans le sang et...