Chapitre 10

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~ Madeleine ~

Les doigts de Jäger m'enserraient le poignet avec force. Tout se passa très vite. Trop vite. Louis amorça son mouvement avec rage pour le faire lâcher. Son coude me revint en plein dans les côtes. Le souffle me manqua brutalement. Mais il continua son mouvement. Et sa main m'atteignit de plein fouet au niveau de l'oreille. Je vacillais sous l'impact, un court instant désorientée. Je me retins à l'armoire à mes côtés, soudain libérée des deux hommes. Mais un crissement me fit grimacer sans que je n'identifie le bruit. 

- Madeleine ! 

La voix de Danielle se mélangea à celle de Verhoeven. L'inquiétude des deux cris me tendit. Et l'armoire en fer forgé amorça sa chute, droit sur moi. Les premiers objets me tombaient déjà dessus lorsque j'amorçais un mouvement de recul trop tardif. Je n'eus d'autre choix que de me protéger de mes bras, essayant d'absorber le plus gros du choc comme je pus. Une main s'abattit brutalement sur ma taille lorsque le fracas des bocaux en verre commença. Je fermais les yeux en cherchant à me soustraire à la scène lorsque le reste de l'armoire rejoignit le sol. Le vacarme fut assourdissant. Mais le poids attendu n'arriva pas. 

Je me forçais à rouvrir les yeux sans comprendre, le souffle court. Et découvris Louis au-dessus de moi, les mains sur les battants en fer. Verhoeven s'était rapproché aussi mais ne bougeait pas, visiblement indécis. Quand à la main sur ma taille.. Jäger serra les lèvres en croisant mon regard. La douleur se mélangea à la colère alors qu'il faisait toujours barrage de son corps entre l'armoire et moi. 

- Madd, sors de là ! Me pressa Louis.

Son souffle court me rappela son asthme et j'acceptais l'aide de Jäger sans rechigner. Ce dernier courbé en deux au-dessus de moi s'occupa de nous redresser, son bras maintenant enroulé autour de ma taille. Verhoeven sembla se mettre en mouvement et aida Louis à redresser l'armoire, nous permettant de nous redresser entièrement. Les deux hommes - maintenant de chaque côté du duo que nous formions avec Jäger - se regardèrent sans savoir par quoi reprendre. Verhoeven tenait toujours son arme. Je tournais lentement la tête vers Louis en entendant le sifflement de son souffle, l'inquiétude balayant ma peur. 

Je m'arrachais à l'étreinte de Jäger pour me rapprocher de lui alors qu'il s'écroulait au sol, le front couvert de sueur. Son dos heurta brutalement le mur, le soutenant à peine. Son corps s'affaissa lorsque je me penchais sur lui, le redressant avec peine. Sa mère me tendit presque aussitôt son inhalateur. Louis accepta mon aide sans sourciller, à bout de force. Ses yeux se fermèrent à demi mais son souffle sembla se calmer lorsqu'il inhala une première fois son médicament. L'isoprénaline l'apaisa en une courte minute. Lorsqu'il se redressa, ses doigts vinrent caresser mon visage avec remords. Je lui attrapais les doigts en me forçant à sourire, la boule pourtant au ventre.

- C'est rien..., murmurais-je. Respire calmement.

Il acquiesça lentement alors que des bottes crissaient sur le verre brisé dans mon dos. 

- Madeleine.

Louis releva les yeux sur Jäger avant de revenir rapidement sur moi, inquiet.

- Il t'a..., croassa-t-il.

Je lui fis les gros yeux pour le dissuader de continuer sa phrase. Puis me redressais pour passer dans son dos et l'aider à se redresser. Jäger lui lança un regard impassible, une colère froide pourtant figée sur le visage. Je restais un court instant dans le dos du français jusqu'à ce que je sois sûre qu'il soit stabilisé puis glissais un bras autour de sa taille avec angoisse. Il laissa le sien entourer mes épaules, me regardant toujours avec la même vague de remords. Avant que je ne puisse le rassurer, Jäger reprit la parole.

1943 : Amour de guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant