~ Madeleine ~
L'infirmière me regarda sans savoir quoi dire. Et surtout quoi faire. Mais l'officier claqua du talon, ramenant le regard de l'infirmière sur lui. Elle entrouvrit les lèvres et se redressa. Mais fut incapable de quoi que ce soit de plus. Le regard tendu de Verhoeven n'annonçait rien de bon. Il grinça des mâchoires en refaisant le signe et scandant à nouveau les mêmes mots.
- Heil Hitler !
Anne resta pétrifié, serrant ses mains l'une contre l'autre. C'était la première fois que je la voyais aussi démunie face à quelqu'un. L'officier entrouvrit les lèvres pour siffler un simple mot.
- Bitte (s'il vous plait).
Mais l'infirmière resta immobile, comme figée. Elle voulut se tourner une nouvelle fois vers moi mais le capitaine l'en empêcha en faisant écran de son corps. Mon amie disparut derrière la carrure de l'allemand, me faisant me mordre la lèvre inférieure à sang. C'était contrevenir à un ordre. C'était porté préjudice au parti allemand. Elle allait se faire tuer, si elle ne... Mais l'allemand ne me laissa pas le temps de finir de penser. Il ouvrit brusquement la porte et un soldat apparut, montant la garde. Il se mit aussitôt au garde à vous, sans rompre sa position. Un deuxième se présenta devant l'officier, me faisant me raidir. Il me fit signe de le rejoindre, le regard peu enclin à la discussion. J'obéis et me laissais traîner dans le couloir. Verhoeven garda la main sur mon bras, me tenant maintenant contre lui. Puis Anne nous rejoignit. Elle était sans le vouloir entre les deux gardes. Et l'ordre tomba.
- Erschieß sie ! (Fusillez-là)
Je me pétrifiais. Et lorsque les deux soldats la saisirent et malgré l'ordre d'Anne de ne pas me trahir, je me mis à hurler. Ce ne fut d'abord qu'un cri mais lorsque les soldats amorcèrent leur départ, je me tournais vers Verhoeven avec détresse.
- Non, non ! Attendez ! Hurlai-je. Elle va le faire ! Elle va le faire ! Et moi aussi !
- Halte ! Tonna l'allemand en faisant revenir les soldats.
Anne me regarda pétrifiée mais je me mis devant le capitaine et levais le bras, la main tendue. Mon cœur menaça de rompre ma cage thoracique lorsque je prononçais les deux mots qu'il avait prononcé deux fois en l'espace d'une minute.
- Heil Hitler !
J'accentuais mon accent français et fis volte-face pour regarder Anne, les yeux exorbités.
- Bien sûr que tu vas le faire, maman, appuyai-je.
Anne se redressa, le visage décoloré. Elle savait que si j'utilisais un tel signal pour l'alarmer d'un danger, il fallait qu'elle obéisse. Et se taise. Nous n'avions pas le choix. Soit elle me trahissait et prenait le risque de se faire fusiller. Soit elle me faisait confiance. Elle hocha la tête sans quitter mon regard puis leva le bras. Je fermais les yeux, sentant la vague de soulagement déferler avec fureur dans mes veines. Verhoeven me lâcha pour contourner mon amie qui murmurait les deux mots qu'il attendait, le bras toujours tendu. Il s'arrêta dans son dos et se rapprocha légèrement de son oreille, le visage toujours aussi glacial.
- Il faut lever le bras plus haut...
Et comme pour appuyer ses dires, il lui releva le bras.
- Si vous voulez soutenir l'empire allemand, autant bien le faire, non ?
Anne hocha la tête sans rien dire. Le militaire se tourna vers les deux soldats en faction, le regard toujours ombrageux.
- Et nous soutenons l'empire allemand, n'est-ce pas ?
VOUS LISEZ
1943 : Amour de guerre
RomanceSeptembre 1943. Hôpital St Charles. 80km - Nord de Paris. Au début de la guerre, Madeleine quittait sa famille pour renforcer les rangs des infirmières militaires. Jeune diplômée, elle n'eut d'autres choix que de commencer à exercer dans le sang et...