Chapitre 3

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~ Madeleine ~

Cette première nuit fut épuisante. J'avais laissé Elisabeth se reposer plus longtemps que prévu et j'étais maintenant épuisée. Je savais qu'elle était stressée par l'arrivée des troupes allemandes et je n'avais pas voulu la laisser seule dans une salle en contenant à minima 23. A nos 6 blessés initiaux, c'était rajouté 17 soldats en soin permanent. Les autres avaient regagné les quartiers, dans l'aile opposé. Jeanne m'avait assuré prendre le premier tour de garde au niveau des infirmières. Anne la relayerait. Je me retrouvais donc avec une autre de mes amies, à devoir assurer les soins de 23 hommes. 

Lorsque 6h sonna, deux silhouettes entrèrent dans la salle commune, me faisant me redresser d'appréhension. Un long frisson me parcourut l'échine alors que le regard d'acier d'Hoffman trouvait le mien. Ses cheveux étaient broussailleux et d'un noir terrifiant, rappelant ses yeux. Le pansement qui couvrait maintenant sa plaie au niveau de la tempe ne faisait que marquer son air glacial. Je revins sur mon patient pour vérifier sa température, me détournant momentanément des deux capitaines. Les deux hommes me surplombaient largement d'une bonne tête, devant faire dans les 1m80. Pour une fois que quelqu'un faisait la taille d'Anne... Il fallait que ce soit ces deux là !

- Bonjour, Madeleine... 

Je relevais un rapide regard sur le capitaine Verhoeven, lui adressant un sourire crispé. Son camarade se contenta d'une œillade meurtrière. 

- Bonjour, capitaine. 

- La nuit s'est bien passée ? 

- Plutôt, soufflai-je en évitant le regard de son camarade. Deux de vos hommes sont dans un état... critique. 

- Lesquels ? Claqua Hoffman. 

Je me raclais la gorge en les invitant à me suivre d'un signe de main. Un drap était tiré en fin de salle, séparant deux des soldats du reste de la troupe. Le premier soldat était grièvement blessé au niveau du ventre et de la jambe. Éclats d'obus. Je savais que nous ne pourrions rien faire d'autre que d'apaiser sa douleur jusqu'à ce que le médecin statut sur une opération éventuelle. Le second avait une plaie au niveau de la gorge, s'étendant sur son bras et son torse. Brûlure au troisième degré. 

- Le soldat Feldmann aura besoin d'une opération. Mais c'est au médecin de statuer. Quant au soldat Eberhard... je ne pense pas qu'il puisse retourner sur le terrain. Ses brûlures sont trop importantes et trop douloureuses. Pour l'instant, nous faisons en sorte de le maintenir endormi pour les traiter sans trop le faire souffrir. 

- Et où est votre médecin ? Siffla Hoffman. 

- Il se repose, soufflai-je en repartant en sens inverse. Il a opéré deux de vos hommes, hier. Nous les gardons en observation également mais tout semble s'être bien passé. Le deuxième est en rémission d'une opération de la main. Il ne pourra reprendre du service que dans une semaine. 

L'un des soldats gémit lorsque nous passâmes à ses côtés et chercha à se redresser pour saluer ses capitaines. Je le rejoignis pour le forcer à se rallonger, maintenant avec difficulté le bandage au niveau de son épaule. Il bredouilla quelque chose d'incompréhensible et essaya de s'aider de mon bras pour reprendre son mouvement. La force qu'il y mit m'arracha une grimace alors que j'essayais encore de le maintenir contre le matelas. Verhoeven intervint aussitôt, lui intimant de rester allongé en allemand. L'homme me lâcha enfin, haletant. J'adressais un bref regard au grand blond avant de me tourner vers mon patient, remettant correctement les bandes. Je me raclais la gorge en les rejoignant, le souffle court. 

- Si vous avez fini, je peux vous conduire au réfectoire. Le petit déjeuner sera bientôt servi. 

- Qui a dit que nous avions fini ? Claqua Hoffman. 

1943 : Amour de guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant