~ Madeleine ~
Le lendemain fut une succession d'ordres, de cris, de courses effrénées dans les deux bâtiments et de fatigue accumulée. Hoffman avait tenu parole : nous avions trois fois plus de tâches. Les nôtres et celles qu'il s'évertuait à nous trouver. J'avais passé la matinée enfermée à l'infirmerie, à nettoyer le sol et les lits des soldats blessés. Je regardais rapidement Anne, pansant l'homme qu'elle avait amputé. Ce dernier - complètement hagard - ne sembla même pas en avoir conscience. Elisabeth se rapprocha de moi, des mèches folles s'échappant de sa coiffe.
- As-tu besoin de moi ?
- Il faudrait aller au village, lui répondis-je. Vois avec François s'il peut passer en fin de semaine pour vider la salle à ordure.
- Je m'en occupe, opina-t-elle de la tête. Et toi ?
J'esquissais un bref sourire en repoussant mes propres cheveux ébouriffés. Et Hoffman trouva pour nous. Il apparut mystérieusement derrière moi et abattit sa main sur mon épaule.
- Magdalena... Si vous avez fini, nos tenues doivent être reprisées et nos uniformes repassés !
Je serrais les dents pour ne pas l'étrangler en me tournant vers sa tête de pipe. Malotru.
- Je m'y rendais, capitaine Hoffman.
Il accentua la pression en me forçant à le rejoindre dans le couloir, me déshabillant du regard avec un dédain évident.
- Et passez une tenue digne de ce nom ! Vous êtes aussi salle que ces souillons qui couchent dehors !
Je ravalais ma fierté et dans la même lignée, la colère qui enflait en moi. Ses doigts quittèrent enfin mon épaule, me libérant de son emprise malsaine. Je filais effectivement dans les dortoirs des infirmières et passais sous la douche pour essayer d'oublier ces quelques minutes. Je frottais ma peau avec hargne là où il l'avait touché jusqu'à ce qu'elle en soit rougie par l'éponge. Je me retins de jurer en sortant de la douche pour passer un nouvel uniforme. Puis me mis au travail. Une vingtaine d'uniformes attendait d'être repassée, le nom de leur propriétaire épinglé sur un petit carré de papier sur le devant de leur veste.
Je commençais ensuite la pile de vêtement à repriser sans jamais en voir la fin. Une fois le tout effectué, je ramenais les tenues dans les chambres de chaque soldat ou officier, la nuque me tirant. Un bref coup d'œil à l'horloge la plus proche me fit soupirer : 16h. Babeth devait repartir du village à cette heure-ci. J'avais mis plus de six heures à effectuer mes tâches et j'étais censée assurer le repas du soir. Je réprimais une nouvelle vague de colère en remontant le couloir des quartiers allemands. Mon lit m'appelait. J'avais faim. Mais ces deux tâches me mettraient inévitablement en retard... J'arrivais dans les escaliers mais une voix me fit me figer.
- Madeleine !
Le pied sur la premier marche pour rejoindre le rez-de-chaussée, j'attendis sans savoir quoi faire. L'appel était clair et autoritaire. Un ordre. Encore. Mais contrairement à ses hommes, sa voix se suffisait à elle-même pour se faire respecter. Je me retournais lentement, plongeant dans ce bleu perçant qui me perturbait tant.
- Colonel...
- Vous avez une minute ?
Question rhétorique. Je reposais le pied à son étage en retenant un soupir. Je serrais mes mains l'une contre l'autre, entrelacées devant mon uniforme.
- Oui, répondis-je sans qu'il n'en ait besoin.
- Avez-vous assez de produits de première nécessité pour le moment ? Me questionna-t-il sans que je ne m'y attende.

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1943 : Amour de guerre
RomanceSeptembre 1943. Hôpital St Charles. 80km - Nord de Paris. Au début de la guerre, Madeleine quittait sa famille pour renforcer les rangs des infirmières militaires. Jeune diplômée, elle n'eut d'autres choix que de commencer à exercer dans le sang et...